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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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bien-aimée saïda.
    Elle avait repris sa place sous le tamaris de la cour, imposé sa volonté sur l'ordre de sa maisonnée et, quand il le fallait, sur le commerce de ses caravanes. De son côté, son époux avait retrouvé son banc à la mâla et dirigeait comme avant leurs affaires.
    Khadija avait décidé qu'aucune servante ne remplacerait la fidèle Barrira. Elle installa cependant Ashemou dans la chambre de la vieille nourrice et, ensemble, elles s'occupaient des tâches de la maison. Ainsi que des enfants, qui maintenant étaient cinq et répandaient dans la cour, du matin au soir, sans jamais se lasser, leurs cris et leur joie.
    Comme ses sœurs et son frère, Fatima se montra robuste. Traversant l'été, puis l'automne et le printemps, elle forcissait, solide et rassurante. Al Qasim lui montrait une affection qu'il n'avait jamais accordée à ses sœurs aînées. Muhammad, par jeu autant que pour rassurer Khadija, prit l'habitude d'appeler Fatima : « mon second fils ».
    Al Qasim s'empressait de copier son père, la nommant : « mon frère ». Les servantes en riaient, mais Abdonaï s'en montra choqué.
    — Al Qasim, le sermonnait-il, une fille est une fille. Ce n'est pas bon de la traiter comme un garçon.
    — Pourquoi ?
    — Un jour, quand tu seras grand, tu sauras pourquoi.
    — Pourquoi t'écouterais-je, Abdonaï, si tu ne peux pas me répondre ?
    Dans les yeux d'Al Qasim, qui n'avait pas alors six ans, scintillaient la ruse et le goût de la dispute hérités de sa mère. Abdonaï s'en trouvait tout ému.
    — S'il y a des garçons et des filles, ce n'est pas pour qu'ils soient pareils, grognait-il. Toi aussi, tu aimeras que les filles soient des filles, et rien d'autre. Ça viendra.
    — Mon père prend Fatima dans ses bras et lui dit : « Bonjour, mon second fils. » Tu crois que mon père ne sait pas ce qu'il dit ?
    — Ton père est ton père.
    — Et moi, je suis son premier fils. Je ne peux pas me tromper en répétant ce qu'il dit.
    Comme les servantes, Abdonaï finissait par rire, s'avouant vaincu et secouant la tête. Mais aussi jetant des regards vers Khadija. Devant la vivacité d'esprit de son fils, elle se contentait d'un sourire qui n'éclairait guère ses yeux. Abdonaï connaissait sa maîtresse depuis trop longtemps pour ne pas deviner que la déception de ne pas avoir enfanté un second garçon et la douleur de ne plus pouvoir être mère la rongeaient toujours.
    En présence de son époux, elle faisait bonne figure. Mais dès que Muhammad quittait la cour, elle redevenait silencieuse et froide, parfois jusqu'à l'indifférence. Elle qui avait montré tant de volonté et d'énergie, elle qui avait vaincu tous les obstacles, laissait à présent l'amertume l'envahir. Et, pour la première fois, le fidèle Abdonaï voyait, impuissant, les signes de l'âge creuser le visage triste de sa saïda.
    Il songea à parler de la tristesse de sa maîtresse à Muhammad, mais l'occasion ne se présenta pas et la timidité le retint. Après tout, il n'était qu'un serviteur. Un ancien esclave que les dieux de sa Perse natale avaient depuis longtemps abandonné. Cependant, comme Abu Talib, il ne montra pas de surprise devant tout ce qu'il arriva par la suite de terrible et d'étrange.

Le duel
    L'hiver venu, de lourds nuages se posèrent sur la ville. Trois jours après que Muhammad, accompagné d'Abu Bakr, fut revenu du sud, où ils avaient conduit leur première caravane depuis l'éveil de Mekka, la pluie s'était mise à tomber.
    Ce fut d'abord l'une de ces pluies d'orage chaudes et violentes comme souvent à cette époque de l'année. Puis l'averse prit un tour inédit : les gouttes, aussi grosses que des perles, rebondirent sur le sol sec, les roches, les éboulis, se déchirèrent aux épines des arbustes, se fracassèrent contre les pans de basalte soudain plus sombres et plus rouges. Elles martelaient les toiles des tentes des Bédouins, frappaient les têtes des moutons et des chameaux.
    Les habitants de Mekka accueillirent la pluie avec joie. Les enfants, hurlant d'excitation, dansaient dans les ruisseaux de boue qui déjà se formaient. Les paumes brandies vers les nuages, ils recueillaient cette eau merveilleuse, la lapaient jusqu'au creux de leurs coudes, avides comme de petits animaux. Dans les cours des maisons, pour recueillir cette eau tant désirée, chacun disposait sur le sol des jarres aux cols évasés, des baquets de cèdre ou des outres ouvertes

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