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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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répliquait pas, Muhavija éclata de rire.
    — Veux-tu te vieillir encore à froncer ainsi les sourcils ?
    — Je sais ce qu'Abu Talib lui a dit : « Marie-toi avec la riche veuve. Tu deviendras un puissant de Mekka, et demain Abu Sofyan et les Al Çakhr ne t'interrogeront pas sur la nimcha que tu portes. » Ce que je n'ai pas désiré arrive. S'il vient dans ma couche, comment pourrai-je entendre la vérité de son cœur ?
    — Je te le répète : comme toutes les femmes quand elles sont nues devant un homme. Mais avant, tu dois lui montrer l'autre saïda Khadija. Celle dont il n'a pas idée, pas plus qu'il ne pouvait imaginer ce qu'était un combat avant la razzia de Tabouk. Réclame cette tunique que tu n'as pas voulu revêtir à Ta'if. Barrira s'en pâmera de bonheur !

Le mariage
    Voici comment les choses se passèrent.
    À l'heure dite, Abu Nurbel, Abu Talib et Al Sa'ib franchirent la porte bleue de la maison de Khadija. Une vingtaine de fils, cousins, frères, neveux, oncles, beaux-frères, hommes de leurs clans les accompagnaient, quelques-uns assez riches et puissants pour avoir leur place dans la mâla. En retrait de son oncle venait Muhammad ibn `Abdallâh, déférent et modeste, comme chacun le connaissait.
    Un peu plus tôt, la rumeur s'était propagée dans les quartiers des entrepôts, puis dans les cours de la cité : la veuve bint Khowaylid avait montré la plus extrême reconnaissance au neveu d'Abu Talib. Tout jeune qu'il était, elle voulait en faire son homme de confiance. Au pays de Sham, où les embûches du commerce ne manquaient pas, Muhammad s'était montré si avisé et si solide que le vieil Abu Nurbel et Al Sa'ib ne tarissaient pas d'éloges sur son compte.
    De l'affaire de Tabouk, pas un mot. Les Çakhr eux-mêmes auraient pu croire qu'elle n'avait pas existé. Que Yâkût al Makhr se soit mêlé au clan d'Abu Sofyan dès son retour n'attirait que des sourires entendus. Un mercenaire était un homme soumis au plus offrant, rien d'autre. Il avait paradé autour de la Ka'bâ tout le temps qu'avaient duré les prières de ses compagnons de voyage. Depuis, nul ne l'avait revu. Abu Sofyan lui-même avait dû se lasser de ses enfantillages.
    C'était donc en paix, la parole et le rire hauts, que chacun prit place sur les tapis de la cour. Sous le tamaris, les servantes avaient disposé cinq tabourets autour du plat commun. Abu Talib, Abu Nurbel et Al Sa'ib s'y installèrent, ainsi que Muhammad. Le tabouret restant, celui de Khadija, demeura vide. Comme l'exigeait la tradition, les hommes allaient partager la nourriture, la boisson et les plaisanteries qui ne convenaient qu'aux oreilles masculines avant qu'une femme, fût-elle aussi influente que la veuve bint Khowaylid, puisse s'asseoir parmi eux.
    Afin que leur plaisir soit aussi parfait que possible, Abdonaï avait fait venir des musiciens et un poète. Dès que les bouches se remplirent, les battements rapides de deux tambours et le son lancinant des flûtes de roseau s'élevèrent par-dessus l'agitation.
    Peu à peu, les rires se turent, les conversations cessèrent. Bientôt, oubliant la nourriture, chacun s'emplit du rythme qui frappait contre les poitrines et pénétrait les cœurs.
    Et soudain, vibrante et curieusement éraillée, la voix du poète jaillit, puis ses mots, ses images.
    L'homme était petit, replet, enlaidi par une barbe irrégulière. Il accompagnait sa parole chantante d'un mouvement incessant des mains, comme si ses paumes et ses doigts pouvaient disperser le pouvoir de ses mots aux quatre coins de la cour. Tout en déclamant, il fixait intensément les uns et les autres de ses yeux de braise, happant leur attention.
    Un murmure courut d'un groupe à l'autre. Chacun reconnaissait le poème. Il racontait ce vent froid, implacable, qui, à l'approche de la nuit dans le désert, traversait les meilleurs tissages. Un souffle de gel qui ne venait ni de la Terre sans début ni fin, ni du ciel privé de soleil. Un froid qui était l'haleine des dieux sur le cœur nu des hommes. Ces errants qui vont par les chemins, loin de leurs aimées, et n'ont que la mémoire de leurs bonheurs pour affronter les mystères de la nuit.
    — Tu n'es qu'un grain de poussière jeté parmi la poussière de l'univers, psalmodiait le poète. De ton cœur, tranché telle une grenade par la solitude, naît la fleur empoisonnée de l'absence. Pourquoi vas-tu te perdre dans le vide du désert quand tu pourrais caresser le feu d'un

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