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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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roulent pas de salle en salle à un train d’enfer… Le voilà… À tout à l’heure…
    Le meister (contremaître) amenait une Aufseherin qui s’installa sur une chaise pour surveiller le rythme de nos pesées.
    Un moment après, il nous sembla que la cadence d’arrivée de chariots ralentissait et s’égalisait à la fois. L’Aufseherin leva des yeux sévères, mais les trébuchets s’agitaient bruyamment. Elle se leva et alla se poster près de la chargeuse, dont la gravité morose et l’activité calculée semblèrent la contenter. De la salle un arrivaient des coups de marteau redoublés assénés sur le fond des douilles pour le chargement des socles à douze trous ; donc on y travaillait.
    — Arbeit, ya ? (Vous travaillez, oui ?) fit l’Aufseherin d’un ton menaçant, avant de s’en aller voir à la salle voisine.
    Maria l’Alsacienne revint et nous dit brièvement :
    — Quelques secondes de retard pour chaque chariot, dans chaque salle… Après les neuf salles ça fait plus d’une minute de retard pour chacun, donc un quart d’heure pour chaque roulement de seize chariots de douze cartouches chacun… Vous comprenez ?
    — Quoi ? fit une femme à l’esprit lent.
    — On te fera le calcul au block, Claudette ! Compris mes enfants ? Envoyez-les avec quelques secondes de retard, mais ayez l’air de travailler, agitez-vous régulièrement, ne parlez pas, ne riez pas. Attention, un civil…
    Un second contremaître entra, nous considéra l’une après l’autre et sortit. Puis des Allemandes civiles portant un brassard avec « Industrie », insigne de leur fonction de surveillantes techniques, firent les mouches du coche à nos côtés, prétendant régler les trébuchets et vérifier les versoirs.
    — Pourquoi n’êtes-vous pas gaies ? dit en ricanant une rouquine au corsage vert et rouge, vous travaillez pourtant pour l’Allemagne !…
    *
    * *
    Il y avait liv un mois et demi à peine que nous étions à Holleischen le 14 juillet 1944. Nous étions décidées à marquer ce jour, mais d’une manière qui n’entraîna pas de sanctions particulières, mais une punition générale qui ne pouvait tout de même pas aller jusqu’à l’extermination d’un kommando ! Les Allemands, à cette époque, avaient besoin de main-d’œuvre, même d’une main-d’œuvre aussi détestable et dangereuse que nous. Nous travaillions de nuit.
    Lorsque l’horloge marqua minuit, la Marseillaise éclata dans toutes les salles. Pour prévenir brutalités et sanctions, nous avions décidé que durant les trois couplets non seulement nous n’arrêterions pas le travail – « sabotage, sabotage » – mais que nous affecterions un zèle inaccoutumé. Aucune chaîne n’était bloquée, la machine à poudre à peine déréglée, la machine marqueuse avait deux orifices sur trois qui fonctionnaient, le maximum qu’il fallait tout de même observer était de un sur deux. Il y eut bien des vociférations « Fermez-la ! », mais on ne pouvait taper sur d’aussi bonnes ouvrières qu’en risquant de gâter leur ouvrage… La Marseillaise finie, le silence s’établit. La lenteur habituelle du geste se réinstalla. Le mélancolique ordre revint, jusqu’à l’heure du départ pour le camp. À ce moment, nous avions toutes un petit papier tricolore à la boutonnière de notre robe. Chaque rang de cinq le retirait sous les menaces bruyantes et effectives de nos Aufseherinnen, puis le remettait dès qu’elles s’occupaient du rang suivant et le commandant dut contempler notre appel de retour tricolore. Lui savait bien que c’était le 14 juillet. Avant qu’il ne commence ses cris nous avions retiré notre petit insigne. Nous avions fait notre manifestation, et visiblement lui non plus ne tenait pas à aller plus loin.
    La seconde « manifestation patriotique », se déroula, mais je n’ose pas le jurer, à l’occasion de la fête de l’Armée Rouge, car il me semble bien que c’était à la demande de nos camarades communistes. Nous eûmes cette chance inouïe de n’avoir entre nous aucune dispute qui aurait affaibli l’unité des Françaises. Il fut donc convenu que l’on observerait une minute de silence à la mémoire de tous les soldats morts – rouges ou non – et à la mémoire de nos camarades de résistance fusillés. Cette fois nous étions d’équipe de jour et je ne sais pourquoi l’honneur de demander cette minute de silence me revint. À l’heure de la

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