La Cabale des Muses
car ceux-ci se reproduisirent plus nettement, en provenance… d’on ne sait quelle direction ! Les sons s’élevaient le long des colonnes de pierre, redescendaient de l’autre côté avec une acuité renforcée, comme dans certaines nefs d’églises, pour mieux les désorienter.
— Très belle acoustique ! chuchota Pistol, caustique.
— Belle et perverse, précisa Géraud sur le même ton. Il serait bon de se replier sans hâte mais… sans erreur. Nous ne sommes pas en mesure d’affronter une horde de visiteurs inconnus.
— Cet autel fleure la messe noire et le sacrifice, sinon d’innocentes victimes, du moins du nôtre si nous ne réagissons pas avec promptitude et circonspection, s’interposa du Cauzé de Nazelle. Sa position nous offre deux possibilités.
Il désigna des ouvertures diamétralement opposées.
— Je suis d’accord, approuva Lebayle, votons afin de dégager un avis général.
La Bastide hésita et s’abstint. Son tour d’inspection avait annulé ses repères. Lebayle et du Cauzé désignèrent une direction, Pistol montra le symétrique.
— Aïe ! rechigna le mousquetaire, cela nous accorde une courte majorité, mais aucune certitude.
Les éclats et les murmures s’amplifiaient. Il était impossible de savoir avec précision d’où ils provenaient, d’une ou de deux issues, des quatre peut-être ?
— Il n’est plus temps de tergiverser, trancha Géraud. C’est moi qui vous ai attiré dans ce guet-apens, je vais tâcher d’opter pour la bonne solution, sans quoi, à la grâce de Dieu, il nous faudra défendre nos vies.
Il pérorait un peu, dans la lignée des précédentes interventions, mais il n’avait aucune assurance de faire le bon choix. Il était difficile de se fier aux traces de pas entremêlées… Et le temps pressait ! Les paroles seraient presque devenues compréhensibles, si elles avaient été en français !
Il se tourna vers la gauche d’où leur parvenaient des cliquetis très nets et des raclements de bottes. D’instinct, il se serait précipité dans l’autre sens, mais sa logique scientifique de la conduite des sons par les courbes de la voûte l’obligea à entraîner ses compagnons par ce boyau, comme s’il se jetait dans la gueule du loup. Cette impression désagréable fut décuplée par un rétrécissement du boyau. Tous les quatre marquèrent la même hésitation, mais le charivari leur parvenait aussi par-derrière ! Ils repartirent à foulées empressées et se rendirent compte que le crissement de leurs semelles pouvait les trahir ; les échos se heurtaient de tous côtés.
Au premier coude du souterrain, ils se plaquèrent dans un renfoncement et masquèrent les lanternes avec leurs chapeaux. L’arme au poing, le souffle court, ils attendirent.
Un sourd brouhaha roula jusqu’à eux, supposant un nombre important d’individus. Que manigançaient-ils ? Quels étaient leurs desseins ?... Les quatre aventuriers s’étaient-ils jetés dans une souricière, ou les Hollandais survenaient-ils mal à propos ?... Allaient-ils se fixer dans la crypte ? Préparaient-ils une contre-attaque sournoise ? Celle-ci était-elle déjà engagée ? Lebayle et ses équipiers n’avaient pas le choix. Ils devaient battre en retraite sans bruit et sans tarder afin d’aller déclencher l’alerte dans le camp français.
Du Cauzé, qui l’avait compris, donna le signal du repli. L’une des lanternes s’était éteinte. Ils n’avaient pas le temps de la rallumer. Pistol passa devant, orientant le halo lumineux de la sienne vers l’avant. Chacun mettait les pieds dans les pas du précédent. Tant qu’il y avait du tumulte dans la salle voûtée aux mille échos, ils avaient une chance de ne pas être détectés. Ils parcoururent une vingtaine de toises, mais quelque chose alerta cependant leurs adversaires. Aussitôt, des exclamations résonnèrent ; s’ensuivirent un tumulte et une cavalcade dans leur direction !
— Au galop, mes compères ! enjoignit La Bastide placé en serre-file.
Levant les pieds pour ne pas s’enfarguer, ils s’élancèrent par la galerie tortueuse, se tordant les chevilles dans la quasi-obscurité.
Les poursuivants n’avaient plus de doute et le clamaient, accélérant la poursuite.
Le repérage des marques laissées par du Cauzé retardait chaque fois les fuyards de quelques précieuses secondes, mais derrière, arrivé aux mêmes endroits, on tergiversait aussi longtemps. À leur
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