Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
Vom Netzwerk:
rattraper le temps perdu.
    « Mais c’est une fille ! Une gentille gueuse indocile ! » faillit s’emporter Géraud, se demandant si le vieux filou ne se moquait pas de lui. Pouvait-il être dupe à ce point ? Même si Lisa jouait la comédie à la perfection !... Il y avait, à ses yeux, des indices qui ne trompaient pas. De quelle manière dénouer le vrai du faux ?
    — J’ignore, relança-t-il, ce que Gautier vous a confié de notre douloureux passé dont il se défend parfois en fabulant. J’ai dû l’élever seul, ayant perdu sa mère alors qu’il n’était qu’un nourrisson tout juste sevré et moi un trop jeune homme… Amours folles de jeunesse.
    Géraud avait mentalement fait une rapide soustraction. Bien qu’il parût plus que son âge et Lisa-Gautier très enfant, il ne pouvait guère en revendiquer la paternité ! Il veillerait à demeurer dans les grandes lignes et à se montrer convaincant.
    — Mes parents sont âgés désormais. La vie est rude et nous n’avons pas eu la possibilité de lui offrir cette chance avant cette année.
    — Ce garçon a l’esprit vif et apprend vite. Ne craignez rien, il est resté très circonspect sur sa famille. D’ailleurs, il se lie très peu d’amitié, ce qui est un peu regrettable. Grégoire Mercerin est son unique compagnon et confident. Vous m’opposerez qu’il vaut mieux un seul ami sincère que cent courtisans. Gautier est si sérieux qu’à cette heure, il assiste à un cours d’astronomie qu’il m’a supplié de suivre en sus de son travail ordinaire. Oui, cela vous surprend ; j’avoue que moi aussi, d’autant que ces leçons sont dispensées à des élèves beaucoup plus âgés et déjà d’un haut niveau de connaissances. Mais je n’allais pas rebuter sa curiosité et sa fringale de découverte. Je l’ai aussitôt inscrit. C’est sa première séance, il en tirera le bénéfice qu’il pourra. Ce ne peut lui être que profitable.
    — Et tout à l’honneur du grand pédagogue que vous êtes, maître, et je vous remercie de l’attention particulière que vous portez à Gautier… Enseignez-vous la doctrine de Ptolémée ?
    — Bon sang ne saurait mentir ! Non seulement « l’Almageste » de Ptolémée parce que c’est l’Histoire et la genèse, mais nous les initions aussi – c’est un devoir moral d’élargissement afin d’éveiller leur esprit critique – aux théories contradictoires : Copernic, Galilée, Kepler…
    — Ne craignez-vous pas quelques… remontrances de la part des autorités catholiques restées très conservatrices ?
    — Vous n’ignorez pas mes convictions à propos des religions. Nous ne contraignons pas nos étudiants à penser de telle ou telle manière, mais les plaçons face à des dilemmes. Que se passe-t-il – proposons-nous, par exemple comme sujet de réflexion – quand un enfant innocent approche la main d’une flamme ? À chacun de défendre son opinion devant ses congénères. Faut-il tenter l’expérience ? Suivre son instinct ou croire l’Ancien qui lui a révélé ses propres acquis ? L’un suggérera une approche par étapes, un autre répliquera qu’il faut observer le chat au coin de l’âtre, un troisième évoquera les pincettes, et cætera .
    — Vous êtes un professeur habile.
    — Chevronné dirais-je, bénéfice du grand âge !… je m’efforce d’éveiller leur curiosité, plutôt que leur imposer – souvent contre leur gré – ma science et mes connaissances empiriques, parfois fastidieuses comme toute leçon moralisatrice. À eux de trancher, de faire la part des choses et d’estimer les limites du danger.
    — On m’a dit, attaqua Lebayle refusant le troisième verre que le vieux philosophe s’octroya, qu’autrefois vous dirigiez une école semblable à celle-ci dans votre pays.
    — C’est exact. Elle fonctionna un certain temps, enregistra de jolis succès, puis roulèrent les rumeurs de guerre et je fus contraint de fermer. C’est pourquoi je suis venu m’établir chez l’ennemi où j’ai apprécié une grande liberté de pensée et de parole – Leibniz en est témoin – ainsi que davantage de respect. L’école des Muses est florissante grâce à la qualité des jeunes gens qui nous sont confiés et à la richesse, la finesse, la précision de la langue française. J’en connais assez de différentes pour apprécier celle-là à sa juste valeur.
    Il adopta un ton professoral, emphatique et rieur :
    — « Un

Weitere Kostenlose Bücher