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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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temps des charges françaises comme un temps de répit,
car l'avalanche des obus et de la mitraille s'interrompait pendant
ces assauts. »

    L'artillerie
napoléonienne est maintenant amenée en première
ligne pour foudroyer les défenseurs du petit village. Les
charges des deux cavaleries se mêlent en un prodigieux
mouvement de flux et de reflux. Plus à droite, la Grande
Redoute de Raïevski disparaît sous la fumée du
formidable duel d'artillerie. « Lorsque l'ennemi fut à
portée de nos canons, a rapporté lui-même le
général Raïevski, la canonnade commença, et
la fumée enveloppa l'ennemi dont nous ne pouvions rien voir.
Après la deuxième salve j'entendis la voix d'un de mes
officiers d'ordonnance qui se tenait à ma gauche, non loin de
moi : « Général, sauvez-vous ! »
En me retournant: je vis à quinze pas de moi les grenadiers
français qui avaient pénétré dans
l'ouvrage au pas de course, la baïonnette au canon. C'est avec
difficulté que je me frayai un chemin vers mon aile gauche »,
installée dans le ravin marécageux de la Kolocza.

    La Grande Redoute
est enfin en partie occupée par le général
Morand bientôt rejoint par la cavalerie du roi de Naples, mais
leur position est précaire. Pour la conserver il faudrait que
Murat ait suffisamment de monde sous la main. Pendant une éclaircie,
il aperçoit près de lui Montesquiou et hurle avec son
accent méridional :

    – Dites à
l'Empereur qu'il m'envoie des réserves s'il en a encore !

    Napoléon
refuse. Les seules réserves dont il pourrait disposer sont les
soldats de sa Garde, mais il tient à les ménager et à
les conserver intactes. Monté sur son cheval blanc Émir,
il s'est avancé jusqu'au bord d'une des ravines. Là, il
a pu mieux se rendre compte de ce qu'allait devenir la bataille,
alors qu'en retrait, derrière les Trois Flèches qui ont
changé de main, l'aile gauche russe, véritable membre
mort, s'est formée en carrés, alors que l'on se bat sur
les pentes du mont Kourganskaïa, alors que la Grande Redoute va
être reprise par l'ennemi, alors que les Italiens d'Eugène
vont avoir à supporter une violente contre-attaque menée
par les cosaques de Platov et la cavalerie des chevaliers-gardes à
cuirasse noire.

    Napoléon
revient maintenant vers le pied de la redoute de Schwardino, descend
de cheval – l'Embelli – et demeure étrangement
passif. Est-ce son état de santé qui le rend soumis et
résigné à sa destinée ?

    « Chacun,
autour de lui, le regardait avec étonnement, a écrit le
comte de Ségur. Jusque-là, dans ces grands chocs, on
lui avait vu une activité calme, mais ici, c'était un
calme lourd, une douceur molle, sans activité : quelques-uns
crurent y reconnaître cet abattement, suite ordinaire de
violentes sensations. D'autres imaginèrent qu'il s'était
blasé sur tout, même sur l'émotion des combats.
Plusieurs observèrent que la constance calme, le sang- froid
des grands hommes, dans les grandes occasions, tourne avec le temps
en flegme et en appesantissement quand l'âge a usé les
ressorts. » En réalité, l'Empereur souffre
de son rhume et de ses maux de gorge...

    Et pourtant,
partout sur le vaste champ de bataille, le sang de ses soldats, des
survivants de la Grande Armée, coule... L'Empereur s'assied ou
se promène lentement devant la redoute. Les lourds boulets
russes passent au-dessus de sa tête. Certains roulent jusqu'à
ses pieds et il les repousse « comme des pierres qui
gênent au cours d'une promenade ». Il suit la
bataille avec sa lunette. Ceux qui ne savent pas qu'il souffre, qu'il
est réellement malade ce jour-là, s'étonnent de
voir l'Empereur ne plus faire le général, ne plus
électriser les combats par sa seule présence.

    Sans cesse on
vient lui annoncer la mort de ses meilleurs chefs. Déjà
douze généraux sont tués. Et combien d'autres,
gravement atteints ! Il fait alors un geste de douloureuse
résignation.

    Cependant, à
5 heures du soir, selon le préfet Louis- François-Joseph
de Bausset, il dîne sous sa tente avec Ney et Davout. Au même
moment, sur la butte de Gorki, Koutouzov, la poitrine barrée
par le cordon bleu pâle de l'ordre de Saint-André, se
fait servir du vin de Champagne et des pâtisseries. Autour de
lui s'agite une foule d'officiers, une suite si nombreuse qu'elle
semble, remarque un témoin, « un corps
auxiliaire ».

    La mêlée
est devenue indescriptible. Von Leissnig, des dragons de Saxe, au
service de Napoléon,

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