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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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moitié était tombée sur le champ
de Borodino, ne se reconnaissait pas vaincue. Le peuple russe ne se
sentait pas vaincu non plus, et sa mémoire garda le souvenir
de Borodino, non pas comme d'une défaite, mais comme de la
preuve de sa résistance contre la plus redoutable des
atteintes à son indépendance nationale. »

    Certains
Soviétiques considèrent encore aujourd'hui Borodino
comme une victoire. « Le champ de bataille fut gagné
par les Russes », précise même le texte remis
aux nombreux visiteurs du fort beau Panorama de Borodino que
l'on peut voir avenue Koutouzov à Moscou. Sans doute, les
canons s'étant tus, les survivants russes bivouaquent-ils
cette première nuit dans la plaine, derrière les
collines qui ont marqué leurs défenses avancées,
mais les Français, en attendant de voir s'ouvrir devant eux la
route de Moscou – indéniable conséquence de leur
victoire de la Moskova – occupent Borodino, Semenovskaïa
et les redoutes. Toutefois, ils bivouaqueront sur les positions
qu'ils occupaient le matin avant la bataille.

    Impossible, en
effet, de camper sur ce champ couvert de cadavres d'hommes, de
chevaux et où l'on donne les premiers soins aux nombreux
blessés.

    Le bilan est
tragique : du côté de la Grande Armée, on déplore
cinquante mille tués ou grièvement blessés, dont
deux cent soixante officiers et quarante-sept généraux
! Les rescapés de la tuerie, les vêtements noirs de
poudre et souillés de sang, déchaussent les cadavres et
les fouillent pour trouver un peu de subsistance, tandis que des
blessés rampent par milliers.

    Von Leissnig a vu
les chirurgiens français s'affairer à soulager les
douleurs des blessés qu'on expédiait, après les
premiers soins, vers les villages désertés de leurs
habitants... « Tout autour, poursuit-il, s'étalaient
les corps des chevaux, fidèles compagnons des soldats. On
voyait des grenades, des éclats d'obus, des cartouches, des
balles, des pistolets, des sabres, des cuirasses, des casques, des
shakos, des selles, des étriers, des brides, des roues
détruites, des chars de munitions s'entasser pêle-mêle
en formant parfois une mosaïque grotesque... »

    Le chirurgien
Larrey a pratiqué dans les premières vingt-quatre
heures environ deux cents amputations ! Celles-ci « auraient
eu l'issue la plus favorable, nous dit-il, Si tous nos blessés
avaient eu un asile, de la paille pour coucher, des couvertures et
une subsistance. Nous étions malheureusement dépourvus
de toutes les ressources. Les blessés étaient réduits
à la viande de cheval et à des tronçons de
choux ».

    *****

    Vers 9 heures du
matin – le mardi 8 septembre –, par un temps clair et
froid, l'Empereur enfourche Tauris et vient regarder le terrible
spectacle. « Je le vis faire approcher un des officiers de
sa suite et lui parler, nous rapporte le capitaine Brandt. Aussitôt
cet officier entra dans la redoute avec des chasseurs qu'il disposa
en carré, de manière à circonscrire un certain
espace dans lequel on compta les morts. La même manœuvre
fut répéter sur différents points, et je compris
qu'on avait voulu, par cette sorte d'opération mathématique,
se rendre compte approximativement du nombre des victimes. Pendant ce
temps la physionomie de l'Empereur demeura impassible, seulement il
était très pâle... »

    Ségur nous
décrit le temps abominable qui s'abat ce mardi matin sur le
champ de bataille : « Un ciel obscur, une pluie froide et
un vent violent. » Quel spectacle que cette vallée
du massacre : « Des habitations en ruine, une plaine
bouleversée, couverte de ruines et de débris. Partout
des soldats errant parmi les cadavres et des mourrants frappés
d'horribles blessures, car, précise encore le comte de Ségur,
les balles russes sont plus grosses que les nôtres. »

    En arrivant à
la deuxième Flèche de Bagration, il voit, rangés
en bataille – comme si celle-ci n'était pas finie –
soixante à quatre-vingts fantassins sous les ordres de quatre
ou cinq officiers. Surpris, l'Empereur demande au plus âgé
:

    – Pourquoi
êtes-vous là ?

    – On nous a
donné l'ordre d'y rester.

    – Rejoignez
votre régiment, lui ordonne l'Empereur.

    – Il est là,
réplique officier en montrant tristement les approches et les
fossés de la redoute.

    L'Empereur semble
ne pas comprendre la réponse et répète :

    – Je vous
demande où est votre régiment. Il faut le rejoindre.

    – Il est là,
Sire, répète

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