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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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« Maudit soit Canaan ; il sera serviteur des serviteurs. » L’Écriture le dit.
    – Êtes-vous sûr, mon cher, que ce texte dise ce que vous lui faites dire, demanda un grand homme, qui se tenait debout à côté.
    – Sans nul doute. Il a plu à la Providence, pour quelque impénétrable dessein, de condamner cette race au servage pendant des siècles. Il ne nous appartient pas d’opposer notre opinion aux décrets du Seigneur.
    – En ce cas, allons de l’avant, et achetons des nègres, dit l’homme, puisque la Providence le veut. N’êtes-vous pas de cet avis, mon cher ? Il se tourna vers Haley qui, les mains dans ses poches, près du poêle, écoutait attentivement la conversation. Oui, poursuivit-il, nous devons tous nous résigner aux décrets de la Providence. Les nègres doivent être vendus, asservis, troqués ; ils sont faits pour cela, comme nous pour les acheter. – C’est un point de vue tout à fait tranquillisant ; qu’en dites-vous, mon cher ? demanda-t-il à Haley.
    – Je n’y ai jamais pensé, répliqua le marchand. Je n’en pourrais pas tant dire que ce monsieur. Je ne suis pas savant, moi. J’ai pris ce commerce pour amasser du bien ; et s’il y a quelque chose à redire, ma foi ! j’ai calculé que j’aurais toujours le temps de me repentir. Vous comprenez.
    – Et à présent, vous vous en épargnerez la peine, n’est-ce pas ? Voyez ce que c’est que de connaître l’Écriture ! si seulement vous aviez étudié votre Bible, comme ce saint homme, vous sauriez de quoi il retourne, et vous vous seriez économisé une foule de tracas. Vous n’auriez eu qu’à dire : « Maudit soit !… » Comment donc l’appelez-vous ? – et tout marchait comme sur des roulettes. »
    L’étranger, qui n’était autre que l’honnête éleveur de bestiaux, avec lequel nous avons déjà fait connaissance dans la taverne du Kentucky, s’assit et se mit à fumer, tandis qu’un sourire narquois contractait sa longue et maigre figure.
    Un jeune passager, d’une physionomie aimable et intelligente, intervint : « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi de même. » – Il me semble, ajoutait-il, que c’est là un passage de la sainte Écriture, tout aussi bien que « maudit soit Canaan. »
    – Le texte en paraît pour le moins aussi clair à des ignorants comme nous, » dit l’éleveur, en lançant des bouffées de fumée volcaniques.
    Le jeune homme allait en dire plus, mais le bateau s’arrêta. Selon l’usage, tous les passagers se précipitèrent vers la proue, pour voir où l’on abordait.
    « Ce sont deux façons de pasteurs, pas vrai ? » demanda l’éleveur à l’un des hommes qui débarquaient.
    L’autre fit de la tête un signe affirmatif.
    Au moment où les roues de la machine cessaient de battre l’eau, une négresse s’élança de la rive sur l’étroite planche, se fit jour à travers la foule, et gagnant l’entrepont, jeta ses deux bras autour de l’article infortuné, classé sous le titre de « John, âgé de trente ans. » Ses pleurs, ses sanglots le revendiquaient pour mari.
    Mais qu’est-il besoin de redire l’histoire si souvent contée, – répétée chaque jour, – de liens brisés, de cœurs au désespoir, – du faible exploité par le fort ? Ne se renouvelle-t-elle pas sans cesse ? Ne crie-t-elle pas assez haut aux oreilles de celui qui entend, bien qu’il se taise ?
    Le jeune homme, qui avait plaidé la cause de Dieu et de l’humanité, contemplait cette scène. Il se tourna vers Haley.
    « Mon ami, dit-il d’une voix émue, comment pouvez-vous, comment osez-vous faire ce trafic impie ?… Regardez ces pauvres créatures ! me voilà ici, moi, tout joyeux d’aller retrouver au logis ma femme et mon enfant. Et la même cloche qui m’annonce que je vais me rapprocher d’eux, sonne pour cet homme et pour sa femme le glas de la séparation ! Un jour, soyez-en sûr, Dieu vous demandera compte de ceci. »
    Le marchand silencieux se détourna.
    « Je dis, mon cher, reprit l’éleveur en lui touchant le coude, qu’il y a ministre et ministre. Celui-ci ne m’a pas l’air de pouvoir digérer le « maudit soit Canaan ! »
    Haley poussa un grognement inquiet.
    « Et ce qu’il y a de pis, poursuivit l’autre, c’est que le Seigneur lui-même pourrait fort bien s’en scandaliser, quand vous en viendrez, comme nous tous, à régler vos comptes avec lui, un de ces

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