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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de ses propres mains, avec le bois coupé, les bâtiments pour les
     animaux, puis une bonne maison pour installer sa femme qui attendait chez une de
     ses sœurs qu’il soit prêt à aller la chercher. Il en avait abattu de la besogne,
     ce n’était pas croyable ! Mais cela valait la peine. En plus, il arrivait avec
     un fils. Quand Rose-Élise lui avait parlé de cette idée de fou la première fois,
     il n’avait rien voulu entendre. Mais oui, il aurait besoin de bras, oui, une
     descendance pour porter son nom… oui pourquoi pas… Cependant, il devait la
     laisser choisir. Mais, il regrettait. On ne choisit pas un enfant à la couleur
     de ses cheveux ! Il était évident que sa Rose-Élise manquait de patience et que
     le petit avait du caractère. Malgré tout, le garçon avait quelque chose de
     plaisant… Ah, baptême, ce qui était fait était fait. Ça ne donnait jamais rien
     de revenir en arrière.
    — Allons, en route tout le monde, on a encore une grosse journée devant
     nous.
    — Ce voyage est ben long ! se lamentait Rose-Élise.
    Ils s’en allaient s’enterrer au bout du monde ! Elle n’aurait jamais dû suivre
     son mari mais Ernest était inflexible. Elle n’avait pu que lui arracher la
     concession d’aller chercher un petit gars… un nouveau petit Xavier… Elle avait
     cru voir une ressemblance avec son fils décédé, mais parfois, celle-ci
     s’estompait et laissait place à un étranger. Ah, qu’elle avait mal à la tête !
     Et en plus, ils avaient dû prendre undeuxième bateau. Cela avait
     aggravé sa migraine. Mais arriverait-on un jour ? L’après-midi tirait à sa fin
     quand le deuxième bateau accosta enfin sur le bord de la Pointe. À la demande
     d’Ernest à un bon voisin, son nouveau cheval gris les attendait, attelé à une
     petite charrette qui fut vite remplie à pleine capacité par la malle de voyage
     de Rose-Élise, les bagages à main et toutes les provisions que les Rousseau
     avaient achetées au magasin général de Roberval avant de s’embarquer. Ils
     avaient encore à parcourir une bonne distance sur un étroit chemin de terre
     battue avant d’atteindre la ferme. Ernest offrit à François de l’installer entre
     un gallon de mélasse et une poche de farine, mais celui-ci refusa
     catégoriquement, car alors, il n’aurait pu faire rouler les roches du chemin
     sous ses pieds, ni casser des bouts de branches pour s’en faire des épées
     imaginaires, ni s’amuser à voler en rond comme ces gros oiseaux, là en haut dans
     le ciel, des urubus comme son père adoptif venait de le renseigner, non, assis
     dans la charrette, il n’aurait pas pu se sentir aussi libre, aussi vivant que
     tout ce qu’il découvrait autour de lui. Surtout que Rose-Élise semblait avoir
     oublié son existence et n’essayait plus de le ramener constamment à elle ! Son
     père ouvrait la marche, guidant le cheval par la bride, tandis que Rose-Élise
     fermait le cortège, le nez sur ses bottines à huit trous, bougonnant à chaque
     pas. Entre les deux, François accumulait tous ces nouveaux trésors qui
     s’offraient à lui.
    À la moitié environ du parcours, Ernest décréta une halte pour que Rose-Élise
     puisse se reposer. Elle marchait de plus en plus péniblement, ne prenant même
     plus la peine de chasser les nuages de mouches noires et les mouches à chevreuil
     qui les harcelaient. Elle avait chaud, sa longue robe noire pesait si lourd sur
     ses hanches qu’elle avait l’impression de s’enfoncer dans la terre au lieu
     d’avancer. Pâle, près de s’évanouir, elle se laissa tomber sur le sol et
     s’adossa sur le tronc d’un maigre bouleau. Elle dénoua les rubans de son chapeau
     devoyage, retira celui-ci et s’en servit mollement comme
     éventail. Ce repos serait le bienvenu. De toute façon, elle était si souffrante
     qu’un pas de plus et elle s’évanouirait. Ses migraines augmentaient en fréquence
     et en intensité. Pourquoi devait-elle endurer cela, pourquoi ? Au début, ce
     n’était qu’un malaise, un élancement qui se pointait derrière les oreilles,
     enserrant la nuque, puis se dirigeant vaguement vers le front. Ensuite,
     l’attaque se précisait et toute sa tête enflait, devenant dure comme de la
     pierre, contenant une pression inimaginable. Alors, le plus minuscule mouvement
     de son corps, le moindre bruit, la luminosité déclenchaient en elle une
     souffrance intolérable. Chaque pensée se

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