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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de comprendre, puis elle réalisa que le sourire narquois de François-Xavier
     était révélateur.
    — C’est-tu ce que vous cherchez, mademoiselle Julianna ? dit-il en exhibant les
     chaussures de derrière son dos.
    — Rendez-moi mes effets, monsieur Rousseau, lui intima-t-elle en prenant un air
     offusqué.
    — J’vous avais promis de m’venger quand on est revenus du bateau, lui
     rappela-t-il sans les lui redonner.
    — Vous avez eu seulement ce que vous méritiez !
    — J’ai p’t-être ben eu ce que j’méritais, mais pas ce que
     j’désirais… dit François-Xavier en s’approchant doucement avec l’évidente
     intention de l’embrasser.

— Pis moé, ce que je désire, c’est mes souliers, rétorqua la jeune fille en se
     reculant légèrement, désirant mais redoutant aussi ce baiser que l’attitude de
     l’homme promettait. Ma marraine doit m’attendre, ajouta-t-elle comme l’amoureux
     s’approchait de plus en plus dangereusement.
    François-Xavier la détailla des pieds à la tête. Elle l’affrontait, le nez en
     l’air, comme une petite marmotte flairant un danger. Les cheveux à la garçonne,
     elle était si séduisante, plus qu’il n’avait pu l’imaginer encore. Il s’était
     proposé pour aller chercher à boire à ses compagnons de travail parce qu’il
     avait eu besoin de solitude. À marcher jusqu’à la ferme, il pouvait réfléchir
     tranquillement sans être dérangé par le bavardage de Ti-Georges. Il devait
     trouver les bons mots pour faire sa déclaration. Cela le rendait si nerveux. Et
     voilà qu’en contournant par le bord du lac, il avait entendu un léger cri.
     Curieux, il s’était approché doucement. Sa dulcinée était là, jouant dans l’eau,
     libre, belle, merveilleuse. Il n’en revenait pas. Elle rehaussait la beauté du
     lac, elle faisait vibrer l’air de sa seule respiration, elle donnait de l’éclat
     au soleil. Il devait lui parler, lui dire les mots d’amour qu’il tournait dans
     sa tête depuis des nuits, il devait l’embrasser. S’il avait eu plus de temps
     devant lui, probablement lui aurait-il fait la cour, un peu tous les jours, mais
     il avait si peur de la perdre ! Il ne voulait pas qu’elle reparte, il aurait
     l’impression d’avoir rêvé, qu’elle n’avait jamais existé, qu’elle ne reviendrait
     plus. Il ne pouvait la laisser s’échapper. Il devait trouver un moyen pour
     qu’elle ne s’enfuie pas, comme l’autre jour, devant son baiser. C’est alors
     qu’il avait vu le chapeau, les souliers et les bas, abandonnés tout près d’où il
     se tenait.
    — Votre marraine peut ben vous attendre un peu. J’ai tant de
     choses à vous dire, mademoiselle Julianna. J’le pensais quand j’ai dit que vous
     aviez l’air d’une princesse, s’enhardit François-Xavier tout en continuant
     d’avancer vers sa belle.
    — Justement, une princesse, ça marche pas nu-pieds ! répondit la jeune fille en
     reculant toujours.
    — Julianna ! s’écria François-Xavier, je l’sais que j’me déclare vite, mais
     j’veux pas que vous repartiez pour Montréal sans que je sache si… si…
    — Si vous allez me redonner mes affaires ? Je l’espère ben, monsieur Rousseau !
     Julianna se détourna et se tint face au lac.
    — C’est pas c’que j’voulais dire pis vous le savez ! s’impatienta
     François-Xavier en venant se placer derrière elle.
    Doucement, il lui souffla à l’oreille :
    — J’vous demande si j’peux être votre chevalier servant… pour la vie.
    Mais c’était une demande en mariage ! Tout allait beaucoup trop vite ! Le cœur
     de Julianna ne fit qu’un tour. Elle ferma les yeux d’excitation. Mais elle était
     une jeune fille orgueilleuse qui voulait se faire désirer, conquérir. Elle avait
     envie de goûter au doux pouvoir de la séduction. Elle se retourna face au jeune
     homme et dit d’un ton dérisoire :
    — Pis je suppose qu’on habiterait dans un château que ma marraine la bonne fée
     aurait fait apparaître ? Je suis pas Cendrillon, monsieur Rousseau.
    — Si c’est un château qu’il vous faut, chus capable de vous en construire un de
     mes propres mains, assura le jeune homme en se penchant vers les lèvres de
     Julianna.
    Celle-ci n’était pas encore prête à se soumettre. Elle se détourna et se mit à
     marcher un peu avant de se retourner et de lui dire :
    — Écoutez, m’sieur Rousseau, je crois pas aux contes de

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