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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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vous rendiez l’âme, par le sang Dieu ! J’ai encore bien des échelons glissants à franchir pour mon avancement.
    Il ne quittait pas son maître des yeux. Il lui devait tout. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il réfléchissait lucidement à sa situation, il redoutait autant que Maeve la mort soudaine de Corbett des mains d’un sicaire. Il se rendit aux cuisines et en rapporta du pain et un bol de soupe épaisse qu’il servit à son maître. L’air contrit, Sir Simon et Lady Alice vinrent aux nouvelles. Corbett fit montre de courtoisie tout en restant sur ses gardes. Maltote revint, impatient de parler du lupanar avec Ranulf et de lui confier sa certitude d’être tombé sous le charme de Rohesia, mais un seul regard au visage fermé de son compagnon lui fit comprendre que la vie de son maître n’avait tenu qu’à un fil. Il se mit à arpenter la pièce en tapant dans ses mains et en marmonnant qu’ils devaient regagner Londres sur-le-champ. D’une voix de stentor, Ranulf lui enjoignit de se taire et de s’asseoir, sous peine de voir de quel bois il se chauffait.
    — Qui vous a fait cela, Messire ?
    Corbett ne put répondre à Maltote, mais décrivit sa visite à l’Ermitage.
    — Tout ce dont je me souviens, c’est de ce parfum et de cette bûche qui s’abattait sur moi. L’instant d’après, je me retrouvai sur la grève. Comment m’as-tu repéré, Ranulf ?
    — Vous m’aviez dit de longer la plage, Messire.
    Corbett referma les yeux et reposa la tête sur l’oreiller.
    — Raconte !
    — Je suis allé assez loin. Quel coin sinistre, Messire ! J’ai vu des mouettes pour le restant de mes jours.
    — Mais qu’as-tu découvert ? demanda sèchement Corbett.
    — Une petite embarcation halée haut sur le rivage. Et un sentier, une de ces coulées de sable qui mènent au sommet de la falaise. Je l’ai gravi. Il y a des traces : Dieu sait ce qui s’y passe ! Et puis je suis redescendu pour examiner la barque. Elle est en bon état et je n’y ai rien remarqué à part un détail : une tache sombre à l’arrière qui m’a tout l’air d’être du sang...
    Il hésita.
    — ... ou autre chose. J’ai continué le long de la plage, mais me suis méfié de la mer déchaînée et trop houleuse et j’ai fait demi-tour. Puis la terreur m’a pris : il me semblait que plus je galopais, plus la mer me prenait de vitesse. J’avais l’intention d’emprunter le chemin menant à l’Ermitage, poursuivit-il avec une mimique expressive, lorsque je vous ai aperçu.
    Il interrompit son récit car on frappait à la porte. Selditch entra.
    — Sir Hugh, bredouilla-t-il, les mains crispées sur sa large bedaine, puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?
    Telle une vieille sorcière, il agitait ses doigts tachés d’encre.
    — Non, non ! s’empressa de répondre Corbett avant que Ranulf ne réagisse. Je me sens fort bien, et vous remercie, Messire Selditch.
    Le mire disparut.
    — Je me méfie de lui comme de la peste ! gronda Ranulf avant de humer l’air. En plus, il pue le parfum ! Lady Alice aussi, d’ailleurs !
    Les yeux rivés sur la porte, Corbett esquissa un sourire.
    — Tu es arrivé à point nommé, Ranulf. Grâces en soient rendues au ciel !
    Son serviteur haussa les épaules.
    — En y repensant, vous auriez probablement atteint le sentier à temps. Vous avez le crâne solide, c’est ce qui vous a sauvé. Votre agresseur, homme ou femme – que le Diable l’étouffe ! — n’a pas songé que vous reprendriez connaissance.
    Corbett tira sur le fil lâche d’une couverture.
    — Si tu n’avais pas surgi au bon moment, j’aurais péri noyé, quoi que tu en dises. Pas un mot de tout cela à Lady Maeve !
    Le clerc fixa le fond de la pièce.
    — J’ai fait mes humanités à Oxford. Je suis devenu clerc au service du roi. Parfois j’ai l’impression d’être une araignée qui ne cesse de tisser des toiles ou de détruire celles d’autrui. Et pourtant, je l’admets, je ne comprends pas la nature humaine. Qu’aurait-on gagné à me tuer ? À quoi cela servirait-il de faire de Maeve une veuve ou de mon enfant un orphelin ? Le roi en personne viendrait ici ou enverrait quelqu’un d’autre, car il n’aura de cesse que cette affaire soit résolue.
    Corbett se passa les mains sur le visage.
    — Peut-être devrais-je rendre mes sceaux à notre souverain ? Décider que la coupe est pleine et regagner mon manoir ?
    Ranulf l’observait, en

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