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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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marches
d’Espagne les Maures de Cordoue, Charles les Slaves et les Bohémiens et, sur
les côtes de la Francie, de la Frise à l’Aquitaine, mes vassaux se battent
contre les Danois. Dans les incursions de ces derniers je décèle l’éventualité
d’une bataille navale de grande envergure à laquelle mes flottes ne sont pas préparées.
    Je me suis bien
diverti, la semaine passée, d’une facétie incompatible avec mon âge et ma
dignité.
    J’avais reçu des comtes des marches de
Bretagne à l’intention desquels j’avais organisé une partie de chasse.
D’emblée, je n’avais pas aimé ces gens : cérémonieux, prétentieux,
fourbes, et avais décidé de leur donner une leçon de modestie.
    Ils avaient rechigné lorsque je les avais
invités à une chasse à l’ours dans la forêt d’Ardenne, malgré la pluie qui
battait le pays depuis trois jours, et exigé, pour qu’ils fassent figure auprès
des dames, de garder leurs habits précieux : tunique de soie brodée d’or,
chapeau à plume et bottines à boucle.
    Nous avions attendu une éclaircie pour prendre
la route, mais la pluie n’avait pas tardé pas à nous rattraper. J’avais
moi-même revêtu une tenue compatible avec le temps et la chasse en forêt.
    À peine nous étions-nous engagés sous les
couverts, la pluie avait redoublé de violence, mais rien n’aurait pu m’inciter
à ordonner le retour. Durant des heures, mes convives, empêtrés dans la
végétation sauvage à laquelle ils laissaient des lambeaux de leurs habits,
avaient erré à la recherche de l’ours qui avait refusé de se montrer.
    Leur retour pitoyable avait été accueilli par
des risées. C’était une sorte de procession de mi-carême qui aurait traversé un
marécage.
    Ils ne m’avaient pas tenu rigueur de cette
farce, d’autant que je les avais régalés, le soir venu, d’un festin où le vin
avait coulé à flots, ce qui leur avait fait oublier cette aventure.
    J’écris sans trop de
peine dans cette Caroline à laquelle Alcuin m’a initié, mais je ne
pourrais poursuivre longtemps cet exercice où s’engourdit ma main. Il me tarde
qu’Éginhard revienne.
    Après une sieste d’une heure, la petite
Rothilde, assise à mon chevet et jouant avec un chat, m’a pris par la main pour
me conduire au bassin où, déjà, barbotte la marmaille du palais.
    — Sire, me dit-elle, vous écriviez quoi
avant votre sieste ? Des poèmes ?
    — Tu es bien curieuse, petite. Des
poèmes, quelle idée ! Je n’en ai ni l’envie ni le talent. J’écris des
choses sérieuses.
    Elle a ajouté en dansotant :
    — J’aime les poèmes, moi, mais je ne
comprends pas toujours ce qu’ils racontent. Hier, Witton m’en a appris un. Je
ne me souviens que des deux premiers vers : Furius, votre petite maison
de campagne / N’est pas exposée aux vents pesti… pestilentiels de Borée… L’auteur,
je crois, s’appelle Catulle.
    — Un très bon poète, ma chérie. Tu vas
apprendre ce poème par cœur et tu viendras me le réciter demain.
    Ma petite Rothilde, ma compagne de tous les jours…
Elle est jolie, délicate et discrète. Une fleur sauvage comme sa mère,
Maltegarde, à laquelle elle ressemble : yeux en amande, bouche étirée,
chevelure couleur de seigle mûr, avec un regard qui semble à chaque pas
s’émerveiller au spectacle du monde.

2
    Récit
de Charles : année 783
    Cette année,
endeuillée par la perte de deux êtres chers, est à marquer d’une pierre noire.
    La reine Bertrade, ma mère, ayant, depuis des
années, renoncé à une tutelle tyrannique, avait consacré à Dieu ses derniers
jours et s’était retirée au couvent de Choisy, sur l’Aisne. J’ai appris sa mort
alors qu’elle venait d’avoir cinquante-sept ans.
    Je ne puis oublier qu’en dépit de ses rigueurs
à mon encontre et de maladresses politiques comme mon mariage forcé avec
Desideria, elle m’a inoculé de fortes notions d’honnêteté et de foi que je n’ai
pas toujours respectées. Je l’ai fait ensevelir en l’abbatiale de Saint-Denis,
auprès de son époux, le roi Pépin.
    J’éprouvai une
émotion d’une autre nature, plus vive, lorsque mourut ma chère épouse
Hildegarde, que l’historien Paul Diacre a appelée la mère des rois. Elle
m’a donné quatre fils, dont trois sont encore en vie, cinq filles et trois
autres enfants qui ne vécurent que le temps de voir le visage de leur mère et
la couleur du ciel.
    La mort de la reine me frappa comme la

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