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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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pontificale, le dominicain jouissait d’un privilège inquisitorial, bien plus terrible qu’une excommunication. Personne ne s’aviserait d’encourir une comparution devant le tribunal de la sainte Inquisition. On savait toujours dans quel état on y entrait. Jamais dans quel état on en sortirait.
    Je demandai au Père d’Aigrefeuille de partager le bénéfice de sa bénédiction avec le chevalier de Montfort. Il approuva d’un geste de la main et nous mîmes tous deux un genou au sol.
    In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti…
    « À présent, relevez-vous, messires, et prenez place séants. Nous ne serons pas dérangés par le mestre-capitaine. Je me suis arrangé pour qu’il soit occupé ailleurs. Nous avons à parler. À parler sérieusement. Un mousse nous apportera un léger souper dansquelque temps. »
     
    Je me levai et m’apprêtai à quitter la place. Les confidences du père Louis-Jean d’Aigrefeuille ne me concernaient point.
    À mon grand étonnement, il m’invita à rester en qualité de témoin, sous l’œil désapprobateur du chevalier qui n’approuva qu’à contrecœur d’un signe de tête.
    Je pris donc place sur le siège boulonné en face du père Louis-Jean et à la senestre du chevalier. J’ouvris toutes grandes mes écoutilles individuelles et portatives.
    « Messire Foulques, votre fortune est faite. Sous certaines conditions, toutefois… » Le père dominicain avait l’intention de mener le débat, cette fois.
    Au moment où Foulques de Montfort allait ouvrir la bouche pour parler, il nous fit comprendre de façon très explicite qu’il ne souffrirait aucune interruption, sauf à répondre à ses questions. Comme le sultan Turan-shah, pensais-je. J’espérais qu’il ne finirait pas comme lui, pour autant…
    Le visage du chevalier était plus blanc qu’un navet. Il resta de marbre, la mâchoire crispée, ses yeux rivés sur celui du père dominicain. Ce dernier soutenait son regard, apparemment sans gêne aucune.
    Frère Jean avait cédé la place au père Louis-Jean d’Aigrefeuille, doté de terribles pouvoirs. La flamme du bûcher dansait dans les yeux du chevalier. Il se tint coi. Le père Louis-Jean était devenu notre nouveau maître à tous deux. Un maître investi d’une mission pontificale.
     
    Le dominicain me pria d’allumer les lampes à huile, détacha la boîte à messages qu’il portait à la ceinture, la posa sur la table, en ouvrit le couvercle à l’aide d’une petite clef en forme de croix papale et en sortit un rouleau de parchemin avec moult précautions. Il me le tendit en m’enjoignant :
    « Messire Brachet, vous êtes mon témoin. Et celui de messire Foulques. Observez le ruban pourpre qui entoure cette minuta et la cire du grand sceau de la chancellerie pontificale, je vous prie, avant que le chevalier, ici présent, ne le rompe. »
    Je me saisis délicatement du précieux rouleau. À la lumière vacillante de la lampe à huile, le nom du clerc convers, le bullateur qui avait cacheté le parchemin, était gravé sur la cire et sous l’effigie de notre pape, Clément le sixième. J’en ressentis une forte émotion.
    Le père d’Aigrefeuille, aumônier général de la Pignotte, me laissa examiner le sceau à loisir. Après quoi, je lui rendis le rouleau. Il le tendit au chevalier de Montfort en le priant de décacheter le document. Ce dernier ne put s’empêcher de l’examiner à son tour avec attention avant d’en briser le sceau, de dérouler le parchemin et de le poser sur la table. Le rouleau contenait en fait deux parchemins.
    L’aumônier général se saisit du second, le roula et le remit dans sa boîte à messages. Il déroula le premier parchemin, posa lui-même des galets aux quatre extrémités pour nous permettre une lecture à plat.
    Je m’approchai du chevalier, à le frôler. Je le sentis plus tendu que la corde d’un arc par temps sec. Ce n’était pourtant pas le cas. L’humidité envahissait l’intérieur de la cabine. Dehors, la pluie martelait le pont de la nef.
    La minute pontificale, un document original et secret que nous avions sous les yeux, portait de senestre à dextre les seings et les sceaux du secrétaire pontifical qui l’avait rédigé (et non ceux d’un simple scriptore papae, nous précisa le prélat), ceux du moine convers agissant en qualité de clerc correcteur, du clerc notaire et celui du cardinal, vice-chancelier de la chancellerie apostolique. L’affaire était

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