La Dernière Bagnarde
fait a t tendre.
— En
se lavant toutes nues derrière leurs linges, dit-il, elles ont
r é veillé
les sens des marins ! Ils n'y peuvent rien. Il ne
fallait pas les provoquer...
— Mais
comment ont-ils pu entrer dans la cage sans qu'on les e n tende
? questionna la mère supérieure que l'affaire
d é rangeait
au plus haut point.
Si elle venait
à s'ébruiter, elle devrait en rendre compte à l 'évêque.
Ce qui constituait un très mauvais début de mi s sion.
— Ils
se sont procuré un double des clefs, expliqua le responsable
de l'administration pénitentiaire, qui, méthodique,
avait déjà mené son e n quête.
— Un
double des clefs ! Mais ça se trouve si facil e ment
que ça ?
— -
Bon, alors, que fait-on, maintenant? interrompit le commandant qui
était en réalité plus remué qu'il ne se
l'avouait, mais qui ne tenait pas à ce qu'on s'attarde sur
cette histoire de clefs qui aurait mis ses hommes à mal.
Lui
aussi avait une mission, conduire le navire à bon port. Il
avait besoin de tous ses marins, et il était hors de question
de perdre du temps
avec les problèmes qui s'accumulaient. Au fond, tout cela ne
lui plaisait pas. Il avait hâte d'en finir.
— Alors,
insista-t-il, que fait-on ?
— Rien,
suggéra à son grand soulagement le responsable
pénite n tiaire.
La rumeur court déjà bien assez sur le bateau, mieux
vaut ne pas en rajouter. N'oubliez pas que nous emmenons ces femmes
en Guyane essentiellement pour qu'elles épousent des bagnards,
créent des familles et peuplent la col o nie.
Ébruiter cette affaire ne serait pas une bonne idée. On
n'a déjà pas assez de femmes pour tous les hommes,
alors si en plus elles restent célibataires, notre mission
tombe à l'eau.
— Vous
avez raison, renchérit le commandant, heureux de trouver en la
personne du responsable pénitentiaire un homme comme lui,
conscient de sa charge. Ces femmes ont un esprit de débauche
et d'i n subordination.
C'est terrible, mais ce genre de choses arrive... Que voulez-vous,
les hommes sont les hommes. On n'a rien inventé.
La
mère supérieure fronça les sourcils. Si elle ne
tenait pas à ébru i ter
officiellement la chose, elle était loin d'adhérer aux
propos du commandant. Mais une idée venait de faire son
chemin dans sa tête.
— Qu'en
pensez-vous, ma mère ? la questionna le commandant, i n quiet
de sa froideur. Tenez-vous à ce
que nous fassions un rapport ?
L
occasion était trop belle pour ne pas la saisir.
— Non,
et ce pour la raison que je ne veux pas nuire à sœur
Agnès.
— Sœur
Agnès? firent en chœur le responsable pénitentiaire
et le commandant. Mais qu'a-t-elle à voir
là-dedans ?
— Sans
son insistance, vous n'auriez jamais donné l'autorisation pour
ces douches en plein air. Du moins pas aussi vite et dans cette
désorganisation coupable. Vous auriez fait les choses comme
vous l'aviez prévu Cette précipitation est due à la
jeunesse de sœur Agnès. Elle a voulu bien faire, et elle
s'est surestimée. Je ne veux pas la co n damner,
et donc je m'en tiens à votre
décision. Pour lui éviter tout blâme, restons-en
là. Je la convoquerai et lui ferai part de votre cl é mence à son
endroit.
Un
peu surpris du revirement de situation, mais pas mécontents de
se sentir en partie déchargés de leur respons a bilité,
ils acceptèrent. La mère supérieure les salua et
s'en alla précip i tamment.
— Vous
savez ce qui m'étonne ? fit le commandant au jeune re s ponsable
de l'administration pénitentiaire quand elle fut partie. C'est
que cette mère supérieure ne manifeste aucune émotion
pour ces femmes qui, avouons-le, viennent tout de même d être
sacrement malmenées, alors qu'elles sont déjà au
fond du trou.
— Mail
qu'est-ce que vous attendiez ? fît le responsable
pénite n tiaire,
surpris de cette remarque inatte n due
de la part d'un homme qui l'instant d'avant se m blait
prendre l'événement à la légère.
— Je
ne sais pas, moi... un peu de compassion. C'est une femme, non ? Elle
a bien un cœur, même si elle le cache a u tant
que son visage.
— Oui,
et alors ? Je ne comprends pas, où voulez-vous en venir ?
— Mais
bon sang, ça ne vous fait rien à vous ce qui se passe ?
Ces femmes ne reviendront pas, vous le savez tout de même, non
? Vous êtes jeune mais dans votre pénitentiaire tout le
monde le sait, c'est un secret de polichinelle. On les envoie à
l'abattage. C'est de la chair fraîche pour les bagnards.
Le
responsable pénitentiaire
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