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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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sœurs, mais c'est tout.
    — Et
combien sont-elles là-bas ?
    — Je
ne sais pas.
    — Mais...
et le couvent, comment est-il ?
    — Comment
voulez-vous que je le sache ? Je n'y ai jamais mis les pieds.
    Et
personne ne vous a dit comment on allait s'organiser sur place, qui nous
attendait et où ?
Mais
bien sûr que si, seulement on ne m'a pas donné de
grandes descriptions ! Monseigneur ne s'occupe pas de ce genre de
détails. Il a beaucoup à faire,
vous
savez.
Mais
je pensais que...
Eh
bien ne pensez plus et faites seulement ce qu'on vous d e mande.
Ce sera bien suffisant. Allez, partez maintenant ! Je dois faire mes
neuvaines.
    Sœur
Agnès comprit que la tâche serait rude et elle
maudissait déjà ceux qui s'étaient débarrassés
de cette mère sup é rieure
en l'envoyant là où
il aurait fallu envoyer la meilleure d'entre elles. Il n'y avait pas
que dans la société civile qu'on se débarrassait
de la ma u vaise
graine.

7
    Marie
s'était recroquevillée sur le bat-flanc et depuis des
jours elle ne bougeait plus, excepté pour la promenade
sanitaire quotidienne, quand les hommes étaient au repos. On
les laissait alors s'aérer pe n dant
une demi-heure, puis elles redescendaient. Il n'y eut pas d'autre
lessive. Deux femmes avaient succombé dans ces conditions
épro u vantes,
et une dizaine d'autres étaient mal en point. Alors que le
co m mandant
s'angoi s sait
pour son propre avenir, Louise avait été mise aux fers.
Quand sœur Agnès était descendue après la
terrible nuit, Louise l'avait couverte d'insultes et l'avait blessée
en lui e n voyant
un morceau de bois à travers les barreaux. Quatre gardiens
étaient intervenus pour la maîtriser et lui avaient
passé la camisole de force. Louise s'était d é battue,
les avait inj u riés
et mordus.
    — Vous
avez de la chance, avaient-ils crié quand ils étaient
enfin parvenus à la faire sortir de la cage. Quand les hommes
désobéissent, on les asperge de vapeur brûlante
pour les calmer. Et là on est tra n quilles
pour un bon moment. S'ils n'en ont pas assez, on les jette aux
requins. Mais vous, vous êtes privilégiées. Pas
de vapeur, a dit le commandant. Pourtant ça ne vous ferait pas
de mal, su r tout
à celle-là.
    Après
quoi, ils avaient emporté Louise sans mén a gement
    Depuis,
Marie n'avait plus de nouvelles. Il se disait dans le petit groupe
des femmes qu'on ne la reverrait pas. Mais Marie pensait so u vent
à elle, à sa force, et elle n'y croyait pas. Puis, un
matin, un ga r dien
vint leur annoncer que l'arr i vée
au bagne de Guyane était prévue pour le lendemain. Il
sortit son trou s seau
de clefs et ouvrit la grille. Les femmes le regardaient, se demandant
ce qu'il s'apprêtait à leur faire subir, car il
s'amusait avec sa baguette à tapoter à gauche et à
droite, soi-disant pour vérifier que tout était en
ordre. Et au passage il donnait quelques coups sur la tête ou
le dos de l'une ou de l'autre, au h a sard.
Mais cette fois il s'écarta et Louise apparut. Elle était
restée cachée
derrière lui. Marie la reconnut immédiatement malgré
la p é nombre
et son visage amaigri. Elle tenait à peine debout. Elle entra
dans la cage et se coucha sur son bat-flanc sans dire un mot.
    — Ne
vous inquiétez pas, précisa le gardien, elle est un peu
sonnée parce qu'on ne lui a retiré la camisole que ce
matin. C'est qu'elle nous a fichu un sacré bazar et nous a
donné du fil à retordre. Mais elle a de la ressource,
elle va se remettre. D e main,
ça ira mieux.
    Dès
qu'il fut parti, les femmes s'approchèrent de Louise. Elles
n'en revenaient pas de la voir vivante. Elle avait perdu tellement de
poids que ses traits étaient méconnaissables. Marie
s'approcha et passa une main sur son front
    — Louise,
fit-elle d'une voix douce, ça va ?
    Louise
ne bougeait pas. Ses yeux étaient ouverts mais elle ne do n nait
aucun signe montrant qu'elle entendait, ou qu'elle comprenait. Marie
prit peur, et pe n sa
que Louise avait peut-être été conduite à pire
que la mort : à la
folie. C'était une façon comme une autre de se
déba r rasser
des gêneurs. Marie l'avait entendu dire et même constaté.
Une de ses a n ciennes
patronnes avait envoyé sa belle-mère à l'hospice
des fous, pr é textant
qu'elle « perdait la boule ». Marie savait que la vieille
n'était pas folle, mais sa patronne avait réussi à en
convaincre son monde en faisant mille misères à sa
belle-mère. Cette dernière pou s sait
alors des colères terribles. Et

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