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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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francs...
    À
cet instant sœur Odile dut chausser ses lunettes. Elle
n'arrivait pas à lire les chiffres écrits en
minu s cules,
or elle tenait à préciser les choses. Cette prisonnière
semblait ne pas comprendre où elle se tro u vait
; elle remerciait comme si on lui offrait quelque chose. II fallait
qu'elle ait bien conscience que rien n'était à elle et
que rien n'échappait à l'œil vig i lant
de l'administration. La pénitentiaire notait absolument tout.
La sœur en savait quelque chose, puisqu'elle-même qui
n'avait presque rien devait rendre des comptes jusqu'au moindre
ce n time.
    — Je
disais donc cent vingt francs et dix centimes. J'oubliais les
centimes. Et surtout gardez bien ce formulaire, tout est in s crit
dessus. Allez,
à la suivante ! On ne traîne pas sinon on n'y arr i vera
jamais.
    Marie
remercia encore, et rejoignit au-dehors la file de celles qui avaient
déjà reçu leur trousseau. Elle avait presque
repris espoir et s'apprêtait à partager sa joie avec
Louise, mais celle-ci avait le regard sombre et le nez plongé
sur la fiche descriptive des pièces qu'on venait de lui
confier.
    — Tout
est écrit sur la feuille, qu'elle t'a dit ? fit-elle à
Marie. Qu'est-ce qu'on en a à faire puisque rien n'est à
nous ? Tiens, voilà ce que j'en fais de son papier !
    Et
devant les yeux écarquillés de Marie et
de ses compagnes,
au nez et à la barbe des sœurs et des gardiens,
Louise froissa la feuille en boule et la jeta au sol
    — Pourquoi
tu fais ça ? Tu es folle ou quoi ? s'exclama Marie, p a niquée
par ce geste.
    Déjà
un gardien s'avançait, la mine mauvaise.
    — Qu'est-ce
que t'as jeté ?
    — Rien,
fît Louise sans la moindre hésitation en le toisant du
r e gard.
    — Tu
te fiches de moi ? hurla le gardien, menaçant, fouet à
la main prêt à servir.
Si tu crois que tu peux te fiche de moi comme ça, tu te
goures, qu'est ce que t'as jeté ?
    — Ce
n'est rien, ce n'est rien, intervint précipita m ment
sœur Agnès en ramassant la boule froissée, ne
vous énervez pas. C'est juste un p a pier,
je l'ai et je m'en occupe, ne vous inqui é tez
pas.
    Elle
tenait le papier à la
main et, tout en le défroissant, le montrait au gardien. Elle
était déterminée à neutraliser
jusqu'au moindre inc i dent,
même si, tout au fond, elle bouillait de colère contre
Louise qui créait sans cesse des problèmes. Comme s'il
n'y en avait pas déjà assez ! L'incident aurait pu être
clos. Hélas, un autre témoin avait assi s té à la
scène, et il aurait mieux valu que celui-là ne croise
jamais la route de Louise. Il s'avança. De corpulence moyenne
mais tout en muscles, le surveillant en chef chargé de
superviser l'encadrement des détenues présentait un
v i sage
émacié d'une dureté inquiétante. Sans un
regard pour sœur Agnès, il désigna Louise aux
gardiens :
    — Fourrez-la
au cachot. Quatre jours, et au pain sec !
    — Au
cachot ? s'interposa sœur Agnès, consternée. Mais
on vient juste d'arriver et...
    — Qui
êtes-vous ? Il
y avait dans sa voix une telle brutalité que sœur Agnès
en fut déstabil i sée.
    — Je
m'occupe des prisonnières, Celle-ci est faible, elle
a passé des jours
enfermée et n'a presque
rien mangé. Le pain sec la tuera.
    — Le
pain sec n'a jamais tué personne. Si elle doit mourir ,
elle mourra.
Ici ces prisonnières n'ont qu'une seule chose à faire :
se so u mettre.
Je suis là pour y veiller
et je ferai le tr a vail,
croyez-moi.
    Effrayée,
sœur Agnès
ne savait plus à quoi s'en tenir. la
veille l'a d ministration
pénitentiaire les avait négligées,
les renvoyant
aux autres sœurs en disant que c'était
l'affaire de
l'Église, et aujourd'hui celui-là disait que le chef, C 'était
lui. je
vous en
prie, un peu de clémence, su p plia-t-elle
    — De
la cl émence
? C'est quoi, ça, la clémence ? fit l'homme en mettant
sa main en cornet sur son oreille comme s'il n'avait pas bien
co m pris.
    Et
il partit d'un rire nerveux qu'il stoppa aussi brus quement qu'il
l'avait commencé. Cet homme était le plus terrifiant
que sœur Agnès eût jamais l'occasion de rencontrer
sur cette terre. Il y avait une telle tension dans sa façon de
parler, une telle violence, qu'elle changea de f i gure.
    — L'ordre et
la loi ici, c'est moi, reprit-il en se penchant
vers elle,
moi et la pénitentiaire. Et votre avis c'est zéro !
Gardez vos forces pour vos prières.
    A
ces derniers
mots il pivota sur ses talons et donna un ordre à ses hommes,
terrible dans sa

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