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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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aucun
mal. Cette pagaille est dangereuse, elle risque de réveiller
l'i n soumission
des bagnards. Ce sera l'enfer ! Deux mille dingues prêts à massacrer
les pauvres péquenots que nous sommes, perdus ici et que
personne ne viendra sauver. Calmez ces filles au plus vite !
    — Mais
comment ? paniqua la mère supérieure perdue entre les
trombes d'eau, les cris des femmes, et les menaces du commandant. On
les tient en groupe mais on ne peut pas plus, elles sont au
bord de la crise.
    Soudain
elle s'interrompit. Derrière le rideau de pluie elle venait
d'apercevoir Louis Dimez qui revenait en courant, son uniforme blanc éclaboussé
de la boue qui collait à ses chau s sures.
La pluie tombait de plus en plus fort, comme si que l qu'un
là-haut avait ouvert des vannes qui ruisselaient en trombes
lourdes sur Saint-Laurent et les arrivants.
    — Ah
! hurla le commandant. Enfin ! On va peut-être savoir ce qu'il
en est. C'est pas trop tôt.
    — Rembarquez
les femmes ! ordonna Louis.
    — Comment
ça ? Elles rembarquent ?
    — Vous,
commandant, vous restez à quai
jusqu'à demain. D'ici là on aura une solution. Pour
l'instant il n'y en a pas.
    — Quoi
?
    Le
commandant avait enlevé sa casquette, il ne cherchait même
plus à se protéger de la pluie et vociférait en
s'essuyant les yeux puis en passant sa main dans ses cheveux
ruisselants pour les rejeter en a r rière...
    — Mais
vous n'êtes pas un peu cinglés ? Pas question! Moi j'ai
fait mon boulot, j'en veux plus, débrouillez-vous à terre,
je r e pars.
    Les
pieds dans l'eau, ses chaussures enfoncées dans le sol boueux,
Louis Dimez se tenait droit, autoritaire. Il venait de vivre de très
p é nibles
moments et cette pluie n'arrangeait rien. Malgré son jeune âge
il se posta face au commandant, révélant sa redoutable
et i n transigeante
nature de donneur d'ordres.
    — Vous
ferez ce qu'on vous dit ! tonna-t-il. Vous êtes employé
par l'administration sous contrat et, si vous ne vous pliez pas à ses
ordres, vous êtes passible de désobéissance au
même titre qu'un de nos off i ciers.
Ça coûte cher et je ne vous raterai pas !
    — C'est
à vous que ça va coûter cher, se rebiffa le
commandant, surpris par la soudaineté de la charge. Une
journée de plus ça va chi f frer,
et à Paris ils vont sauter au plafond quand ils vont voir ma
note.
    — J'y
compte bien.
    — Mais
vous êtes malade, vous voulez vous faire virer ou quoi ?
    — Non,
mais le directeur de Saint-Laurent devra rendre des comptes. À
Paris, comme vous dites, on se moque peut-être de ce qui se
passe ici pour les pauvres fous qui y vie n nent,
mais sur les dépenses inutiles, en revanche, on ne tra n sige
pas.
    Et
sur ce, sans attendre l'avis du commandant, Louis Dimez donna
lui-même aux hommes l'ordre de faire ré-embarquer les
détenues. Les gardiens et les marins s'exécutèrent.
Exaspéré, le commandant ne put que suivre le mouvement.
    Les
femmes ne bougeaient plus. Même Louise ne disait plus rien et
Marie regardait cette agitation autour d'elles, hébétée.
Prises dans la tourmente, les détenues ne retenaient qu'une
chose. On ne voulait d'elles ni sur terre, ni sur le navire. On ne
voulait d'elles nulle part La violence des échanges qui
venaient d'avoir lieu les avait glacées et elles remontaient
les unes derrière les autres, trempées, dociles
mai n tenant.
Les semaines en mer les avaient laissées au bord de
l'épuis e ment
physique et moral, et cette arrivée ratée achevait de
les anéa n tir.
    La
nuit n'allait leur apporter aucun repos. Au contraire. Elle fut
tourmentée, chaude, humide et interminable. Des brumes
montaient de partout, de la forêt et des eaux du Maroni,
étouffantes, s'immisçant partout. Pas le moindre
souffle, la chaleur était telle que la terre et le fleuve,
g a vés
par l'orage, rejetaient maintenant dans les airs l'eau qu'ils avaient
reçue. Les femmes suaient et cherchaient à respirer en
vain quand au cœur de la nuit un froid glacial vint les saisir.
Les détenues et les sœurs étaient perdues, ces
températures extrêmes, ce climat i n compréhensible...
Elles grelottaient et leur moral était au plus bas. Toutes
avaient vu leurs e s poirs
d'une vie meilleure engloutis dans ce déchaînement des
eaux et des colères humaines. Quant à la mère
sup é rieure,
elle prenait con s cience
que sa hiérarchie avait peut-être voulu se débarrasser
d'elle. Sœur Agnès, elle aussi, tombait de très
haut.
    Entre
la chaleur de la nuit et le froid

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