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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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découvrit une sensation
nouvelle. Elle n'avait pas peur, elle n'avait pas froid, elle se
sentait simplement engloutie par cette nature comme si elle-même
en était un élément. L'eau ruisselait du sommet
de sa tête jusqu'à l'extrémité de ses
pieds. Elle était le lit d'une rivière dont l'eau
aurait tout naturell e ment
suivi le cours.
    L'orage
fut apocalyptique mais bref et, comme toujours sous les tropiques, il
fut immédiatement suivi d'un soleil lumineux et d'une chaleur
accablante. Le silence qui régna immédiatement après
le d é luge
fut impressionnant. Plus rien. Durant quelques secondes le monde
entier, hommes, animaux, végétation, tout sembla avoir
été e n glouti
par les eaux. Sonnée, Marie ne bo u geait
pas. Ses pieds étaient enfoncés jusqu'au-dessus de ses
chevilles dans une dizaine de cent i mètre!
de boue, et ses vêtements, gorgés d'eau au plus profond
de leurs fibres, pesaient maint e nant
sur elle comme du plomb. C 'est
là, après quelques minutes d'un silence total, qu'un
étrange bruit se fit e n tendre.
Un bruit comme une bulle qui éclate. Il fut suivi d'un autre, et d'un
autre encore et, comme les gouttes de pluie, elles furent bientôt
des milliers de bulles à éclater partout Elles v e naient
du sol, c'étaient de véritables bulles d'air que l'eau
y avait emprisonnées et qui refa i saient
surface sous l'effet de la chaleur. Elles étaient de partout,
de tous les côtés, pas un centimètre qui échappe
à ce boui l lonnement
Et très vite un relent de pourriture envahit la forêt
tout entière. Une a f freuse
odeur que les bulles faisaient remonter. Une odeur de végét a tion
en décomposition, une odeur de faune et de mort C'était
tellement soudain et inattendu que Marie su f foqua,
eut un haut-le-cœur et vomit, deux fois. Que faire, où
aller ? Où qu'elle se tourne, l'odeur était là,
épaisse, insoutenable. Impossible de s'en dél i vrer.
    Aucune
forêt au monde ne ressemble à une autre, encore moins
une forêt de France à une forêt tropicale. Mais
dans toutes les forêts du monde les hommes apprennent à
s'aventurer avec une extrême pr u dence.
Ils savent que loin des paysages appliqués, là où
la civilisation h u maine
a discipliné la nature, se réfugie tout ce que
l'univers porte d'inconnu et de dangereux. La faune n'y est pas la
même partout, mais elle y est partout sa u vage,
inattendue. Les grands loups des forêts de Russie et les ours
bruns des hautes montagnes pyrénéennes ont tué
et dév o ré.
Comme les lions dans la savane. Marie savait cela. Elle savait la
forêt dangereuse. Elle qu'on y envoyait pour chercher du bois
ou des bêtes ég a rées,
et aussi pour aller cueillir de l'herbe aux fées, celle qui
soigne et ne pousse qu'en hiver dans les grottes froides. Et elle
connaissait aussi le da n ger
de l'infiniment petit, les serpents, les nids de frelons, bien plus
difficiles à affronter que les grosses bêtes.
    Dans
ces moments de solitude, Marie avait appris à se
méfier de tout, à écouter les bruits, à
ne poser ses pieds au sol qu'avec prudence après avoir bien
vérifié qu'un nid de serpent ne s'y trouvait pas. Et
elle avait appris aussi à ne pas dépasser une ce r taine
limite. Pour se guider elle avait sa méthode, celle des
a n ciens
du village. Si elle était perdue, elle regardait le ciel et se
fiait à la direction de la lumière, aux ombres. Marie
se rappelait tout ça, mais elle chercha les ombres en vain*
Ici les choses étaient bien différentes. La voûte
des arbres était haute, épaisse et dense. Elle se
retrouvait enfermée dans un tunnel de verdure interminable et
vertigineux. Les relents d'odeurs et les vapeurs ne ce s saient
de monter, asphyxiantes. Et la forêt, un instant anéantie
sous la force de l'orage, se mit à revivre. Des ce n taines
d'oiseaux multicolores secouèrent leurs plumes et s'envolèrent
des feuillages dans lesquels ils s'étaient réfugiés.
Piaillant, ils a l laient
d'arbres en arbres, énervés de cette pluie,
enthousiastes de cette chaleur revenue. Plus haut, des singes
instables se poursuivaient, suspendus à des lianes. Ils se
bala n çaient
en criant de façon si aiguë que la tête de Marie
crut e x ploser.
Pourtant, dans cette cacophonie, elle ne se sentait ni perdue ni en
da n ger.
Au contraire. Elle était à l'abri, loin des êtres
humains. Et elle en éprouvait un intense soulagement. Elle
n'avait réfléchi à rien, ni à la
suite de sa fuite, ni au lieu où elle allait. Elle

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