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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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tigre. Pour tout dire, je me laissais vivre sans songer ni à bien ni à mal, ni à dieu ni à diable lorsqu’un jour je m’aperçus que j’étais amoureux… Ce n’est rien pour un autre homme : pour moi, c’était terrible. En effet, j’étais très laid, et je le savais… on me l’avait tant répété… J’étais le plus fort, le plus redouté de ma tribu. Quiconque me regardait de travers était sûr de son affaire ; moi qui ne demandait qu’à vivre en paix, j’avais vite fait de découdre une peau. Ah ! oui, on me craignait… hommes et femmes, tout tremblait devant moi. Mais moi je tremblais devant Magda. Je tremblais parce que je me savais hideux et qu’autour de Magda, rôdaient cinq ou six beaux garçons, dont le plus laid était cent fois plus beau que moi.
    Belgodère poussa un rauque soupir et grommela quelques jurons qui étaient sa poésie à lui.
    — Jamais, reprit-il, je n’osai dire un mot à Magda. Seulement, quand je passais près d’elle, je sentais son regard noir peser sur moi ; je voyais qu’elle souriait, mais je ne savais pas pourquoi. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus. Cela ne pouvait durer ainsi. Un soir, je réunis les amoureux de Magda. Quand ils furent réunis, je l’envoyai chercher elle-même. Elle vint, et je lui dis : « Magda, voici que tu vas sur tes quinze ans. Il est temps que tu choisisses un homme. » Les autres, qui étaient aussi amoureux et aussi pressés que moi, s’écrièrent : « Oui, oui ! Il faut qu’elle choisisse celui qui dès ce soir boira dans son verre et dès cette nuit sera son homme !… » Magda sourit, et désignant comme au hasard l’un de mes rivaux, lui dit : « C’est toi que je choisis. »
    — Ah ! pauvre Belgodère ! fit railleusement Fausta.
    — Oui, dit le bohémien, mais vous allez voir. Je me plaçai devant l’homme. Il comprit et sortit son couteau, moi le mien. Cinq minutes plus tard, je le renversai et quand je le tins, la poitrine sous mes genoux, je lui coupai les deux oreilles. Il se releva en hurlant. Je n’ai jamais entendu hurlement pareil. Alors Magda dit tranquillement : « Je ne veux pas d’un homme sans oreilles. — Eh bien ! choisis-en un autre ! — Le voici », dit-elle en désignant un deuxième amant, et toujours avec son même sourire. Je me plaçai devant celui-ci, comme je m’étais placé devant le premier. La bataille recommença et dura cette fois dix minutes. Et quand je tins l’homme renversé, je lui coupai le nez. Celui-là ne hurla pas. Il demeura évanoui… Naturellement, Magda ne voulut pas d’un homme sans nez, pas plus qu’elle ne voulut d’un borgne, car je crevai l’œil droit du troisième qui se présenta, pas plus qu’elle ne voulut d’un lâche, car les deux derniers s’enfuirent, et je demeurai seul.
    Belgodère eut une sorte de rugissement et jeta autour de lui un regard sanglant, comme si les rivaux de jadis eussent été encore là, devant lui. Puis il continua :
    — Alors, Magda me dit : « C’est toi que je choisis. Je t’avais choisi dès longtemps. Mais je voulais voir si tu étais bien tel que je te supposais. » Le même soir, j’épousai Magda selon les coutumes de ma tribu. Pendant six ans je fus un homme heureux, j’eus d’abord une fille qui fut appelée Flora. Quatre ans plus tard, j’eus une deuxième fille qui fut appelée Stella. On disait que Flora était belle comme une fleur au matin quand elle se penche sous les diamants de la rosée et Stella belle comme une étoile, au soir, quand elle s’élance au plus haut du ciel parmi ses compagnes. Voilà ce qu’on disait. Moi je ne savais si elles étaient belles ainsi ou autrement, mais quand je les voyais, j’avais envie de rire sans savoir pourquoi, et quand je ne les voyais pas, envie de pleurer. On a de ces idées quand on est père. Est-ce bête !…
    — Quand on est père ! murmura Fausta avec un frisson.
    Et sans doute l’image du prince Farnèse, du père de Violetta passa devant ses yeux troublés.
    — Je crois que j’ai fini mon flacon, dit Belgodère.
    Il en était au quatrième. Mais comme on enlevait le flacon vide au fur et à mesure, il n’était pas obligé en somme de s’apercevoir que c’était le cinquième qu’on lui apportait, sur un signe de Fausta.
    — La septième et dernière année de mon bonheur, reprit le bohémien, nous vînmes à Paris, en France. Flora avait alors six ans, et Stella deux ans. Nous vivions bien tranquilles,

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