La Fausta
statuts que nous avons tous acceptés comme notre loi.
Ici le cardinal Rovenni se tourna vers les évêques et les autres cardinaux. Tous étendirent la main pour attester la véracité de ce qui venait d’être dit.
— Je dois donc, reprit-il, vous transmettre la sentence sans appel dont chacun de vous est frappé… Cardinal Farnèse, continua-t-il en dépliant et en lisant le parchemin qu’il tenait, vous êtes accusé d’avoir laissé un sentiment humain dominer votre cœur et vous pousser à la désobéissance puis à la rébellion. Vous êtes accusé d’avoir aimé une créature que vous appelez votre fille, de l’avoir aimée plus que vos devoirs. Vous êtes accusé et convaincu d’avoir essayé de soustraire à la mort cette fille condamnée par notre tribunal parce qu’elle est un obstacle, parce qu’elle porte en elle l’hérésie, et parce qu’enfin sa vie est un danger pour notre société. Cardinal Farnèse, reconnaissez-vous avoir essayé de soustraire à la mort la fille païenne qui s’appelle Violetta ?
Farnèse, peu à peu, avait repris son sang-froid. Sans doute, d’ailleurs, il connaissait déjà toute cette mise en scène ; sans doute, il avait fait partie de ce terrible tribunal et savait ce qui l’attendait.
Farnèse se rapprocha de la grille, et regardant Fausta en face :
— Madame, dit-il, j’ai été le premier à étayer votre souveraineté ; je vous ai apporté la première pierre pour l’édifice que vous rêviez ; le premier j’entre en rébellion. Le premier je me suis séparé de vous. J’étais venu à vous parce que Sixte me semblait être la tyrannie dans l’Eglise libre. Je me suis séparé de vous parce que j’ai vu que vous étiez l’incarnation de la perversité. Je ne reconnais plus votre sainteté, ni votre souveraineté ; je hais vos projets ; votre tribunal m’apparaît comme une mascarade infâme. Je sais que vous allez me tuer. Tuez-moi donc sans phrases. Mais avant de mourir, laissez-moi vous dire que je vous ai regardée jusqu’au fond de l’âme et que ce que j’ai vu m’a causé un vertige d’horreur. Voilà ce que j’avais à vous dire… Maintenant, faites-moi frapper par le bourreau… sans doute l’un de ces évêques félons ou l’un de ces cardinaux relaps…
Farnèse recula en se croisant les bras. Un silence de mort accueillit ces paroles. Pas un tressaillement n’agita l’immobile assemblée. Pas un frisson de vie ne courut sur le visage de cette statue qu’était Fausta… Alors le cardinal Rovenni reprit, s’adressant cette fois à Claude :
— Maître Claude, vous êtes accusé et convaincu de rébellion ; vous êtes accusé et convaincu d’avoir tenté de soustraire au supplice la fille païenne nommée Violetta ; vous êtes accusé et convaincu d’avoir refusé ici même d’exercer votre office contre cette fille qui vous était livrée. Reconnaissez-vous avoir commis ces divers crimes ?
Claude ne répondit pas. Il restait sous le coup de cette stupéfaction qui l’avait saisi dès le premier instant et qui paralysait ses facultés. Le cardinal Rovenni attendit un instant. Et alors, d’une voix sourde, il se mit à lire le parchemin :
— Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Au nom des lois acceptées et reconnues en conclave secret par les dignitaires adhérents à la nouvelle forme de société ecclésiastique. Au nom de notre souveraine élue et choisie pour monter sur le trône de Pierre et y exercer le pontificat sous le nom de Fausta Première du nom, directement héritière de la tradition instituée par la souveraine Jeanne. Entendu l’accusateur qui a convaincu Jean Farnèse, cardinal, et Claude bourreau-juré, des crimes sus-énoncés. Entendu les défenseurs. Les Trois Juges ayant consulté les chapitres dix-huitième et vingt-neuvième et les articles y énoncés, en leur âme et conscience ont déclaré Jean Farnèse, cardinal, coupable de haute trahison envers la Souveraine pontificale ; et Claude, bourreau juré, coupable de rébellion et trahison envers la Société. En conséquence, les Trois Juges ont condamné les accusés à la peine de mort. Vu les services rendus antérieurement par les deux condamnés, les Trois Juges ordonnent qu’une messe solennelle sera célébrée pour le salut de leurs âmes ; et vu l’affection que notre souveraine portait à Jean Farnèse, Sa Sainteté a daigné déclarer qu’elle dirait elle-même cette messe. Vu enfin la nature
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