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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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nécessairement l’Enfer. Et la femme qui régit cette ville engloutie, qui a
osé se dresser contre l’autorité du roi (traduisez « Dieu ») et que
le roi a punie en l’engloutissant (voyez la chute de Satan vers l’abîme des ténèbres,
dans l’admirable poème de Victor Hugo), cette femme ne peut être qu’une
mauvaise femme, une femme impudique, une Mala Lucina ,
une déesse des ténèbres comparable à l’Hécate qui règne sur les carrefours pendant
la nuit, et disons-le, pourquoi pas, la femme du diable, c’est-à-dire Lilith. Et
pourtant n’est-ce pas l’image de la Déesse des anciennes croyances, celles
d’avant l’instauration des sociétés paternalistes, cette Magna Mater dont le souvenir rôde un peu partout, et
qui ne se montre que timidement, parfois même sous les traits d’une Vierge
Noire, autrement dit de la Vierge Marie ?
    Car la Femme divine n’est pas toujours engloutie sous les
eaux. Les légendes celtiques abondent en histoires concernant des princesses
enfermées dans des châteaux, dans des grottes, dans des îles [70] .
Certaines d’entre elles sont très connues, d’autres le sont moins. Elles n’ont
généralement été comprises que comme des contes de fée, des récits d’aventures,
de prouesses et de mystère. Elles sont pourtant toutes au vitriol quand on y réfléchit
bien, et toujours en relation avec la légende de la Ville d’Ys et de ses
variantes, il importe maintenant d’en étudier quelques-unes.
     
    Histoire de
Guengualc’h (Bretagne armoricaine) : Dans la vallée de Tréguier,
des jeunes gens qui reviennent d’étudier longent le rivage. L’un d’eux,
« surnommé Guengalc’h pour sa grande beauté (= Blanc Faucon), cesse de
parler. Ses camarades veulent l’interroger : pas un mot ; ils se
retournent : plus personne ». Ils fouillent en vain le rivage, et
désespérés, finissent par invoquer saint Tugdual. « Aussitôt le jeune
homme sort de dessous l’eau, le pied droit encore lié d’une ceinture de
soie. » Il raconte que les « dames de la mer » l’ont enlevé et
entraîné sous les roches de la mer. Il a été délivré par un vieillard vénérable
(saint Tugdual). « À la vue du prélat, les nymphes avaient fui, mais l’une
oublia de dénouer sa ceinture ». Tous rendent grâces à saint Tugdual
d’avoir délivré Guengalc’h « trompé un instant par le démon ». Quant
à Guengalc’h, « il se confessa, communia, et un an, jour pour jour après
que le démon l’eut abusé, il quitta ce monde » ( Vita
sancti Tutguali episcopi , 33, ms. du XII e  siècle
de la B. N.).
     
    Le pieux hagiographe qui a recueilli cette tradition ne
s’est pas rendu compte qu’elle était en réalité fort peu édifiante. Si
Guengalc’h quitte ce monde au bout d’un an, c’est qu’il avait rendez-vous avec
la « dame de la mer » qui lui avait attaché sa ceinture au pied
droit. Mais cette légende devait être fort connue dans les pays celtiques aux XI e et XII e  siècles,
car on la retrouve presque intégralement, et dans un contexte druidique, cette
fois, dans un manuscrit irlandais de 1200 en langue gaélique.
     
    Histoire de Condlé le
Rouge (Irlande) : Condlé, fils du roi Conn aux Cent Batailles, voit
apparaître une femme aux vêtements merveilleux qu’il est le seul à voir, mais
que tout le monde entend. Le druide du roi fait une incantation qui éloigne la
femme. Mais Condlé reste triste et muet pendant un mois, ne mangeant autre
chose que la pomme que la femme lui a laissée. La femme lui apparaît de nouveau
et l’invite à venir avec elle dans « la Terre de Promesse où n’habitent
que les femmes », dans l’univers si particulier du sidh (tertres aux fées, monde souterrain ou monde
au-delà de la mer). L’art du druide est impuissant. Condlé quitte son père et
les siens et s’éloigne sur le « bateau de verre » de la fée. On ne
l’a plus revu.
     
    Dans chacune des versions de la légende, il y a une opposition
très nette entre la religion, qu’elle soit chrétienne ou qu’elle soit
druidique, et la Femme merveilleuse qui vient chercher l’homme qu’elle a
choisi. D’une part, le choix de la Femme est inéluctable. D’autre part, la
Femme représente le souvenir d’une époque antérieure ou le sexe féminin avait
des pouvoirs perdus même dans la société celtique. Comme dans la légende d’Ys,
c’est la révolte contre l’autorité masculine. Et la Femme, objet de

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