La Fin de Fausta
il ne pouvait, à lui seul, suivre plusieurs pistes à la fois, il avait emmené avec lui Valvert, Escargasse et Gringaille. Ils étaient donc quatre pour suivre dix personnes. Mais il était fort probable que les Espagnols ne s’en iraient pas isolés, mais par petits groupes de deux ou trois. Il était donc à peu près sûr qu’ils ne lui échapperaient pas.
Landry Coquenard, seul, était resté rue aux Fers, dans la maison du duc d’Angoulême, qui conservait toujours son apparence de maison inhabitée. Comme c’est à lui que nous avons affaire pour l’instant, nous laisserons Pardaillan et ses trois compagnons à leur affût pour nous occuper du digne écuyer de Valvert.
La veille, après des explications mutuelles, que Pardaillan avait abrégées autant que possible, parce qu’il était tard et qu’ils devaient se lever, le lendemain matin, avant le jour, Valvert s’était retiré dans sa chambre en faisant signe à Landry de le suivre. Là, ils avaient repris, en le développant, cet entretien qu’ils avaient eu à leur sortie du Louvre.
Avant de se coucher, et bien que Landry lui eût répété qu’il ne se mettrait pas en campagne avant d’avoir « ruminé son affaire », ce qui demanderait bien un jour ou deux, Valvert avait voulu écrire la lettre destinée à sa fiancée. Cette lettre écrite, il l’avait remise à Landry.
Seul à la maison, Landry Coquenard s’était mis à chercher le moyen de faire parvenir le billet à celle à qui il était destiné. En soi, la chose n’était pas facile. D’autant que, et cela se conçoit, il tenait à s’entourer de précautions suffisantes pour être à peu près sûr de ne pas laisser sa peau dans cette expédition. Or, pour remettre le billet à Florence, il fallait de toute nécessité entrer à l’hôtel Concini. S’il y entrait, il était sûr d’être reconnu. Et alors il était non moins sûr que c’en était fait de lui.
La journée s’était écoulée, le soir était venu. Pardaillan, Valvert, Escargasse et Gringaille étaient rentrés, exténués et assez maussades – ce qui indiquait que leur chasse n’avait pas donné les résultats espérés –, et Landry n’avait pas réussi à résoudre le difficile problème.
Ce qui ne l’avait pas empêché de répondre avec assurance à l’interrogation de son maître :
– Je rumine, monsieur, je rumine !… Demain, je l’espère, j’aurai trouvé.
Le lendemain, vers la fin de la journée, et comme il commençait à désespérer, Landry eut une inspiration :
– La Gorelle ! s’écria-t-il tout à coup. Comment n’ai-je pas pensé plus tôt à elle !… Avec un peu d’or, j’obtiendrai d’elle tout ce que je voudrai !
Dans sa joie, il se mit à esquisser un pas de danse. Mais cette joie tomba brusquement :
« Diable ! songea-t-il, La Gorelle est au service de M me la duchesse de Sorrientès. Pour la voir, c’est donc à l’hôtel Sorrientès qu’il me faudra aller !… Ah ! pauvre de moi, à l’hôtel Sorrientès comme à l’hôtel Concini, c’est une bonne corde qui m’attend ! Car M me de Sorrientès, c’est M me Fausta. Et M me Fausta doit être enragée après moi tout autant que le signor Concini… Décidément, mon idée que je croyais magnifique, ne vaut rien de rien ! »
Et il se mit à marcher avec agitation. Mais tout en marchant, il réfléchissait. Et la conclusion de ses réflexions fut celle-ci.
« Mais, double bélître que je suis, rien ne m’oblige à mettre les pieds dans cet antre redoutable qu’est l’hôtel Sorrientès !… Ne puis-je faire appeler la Gorelle ? Moyennant une livre que je lui bâillerai, le premier gamin venu se chargera de pénétrer dans cet antre dangereux pour moi, inoffensif pour lui, et de remettre un billet à la Gorelle. Et si ce billet contient une phrase dans le genre de celle-ci : « Si vous voulez gagner mille livres, rendez-vous dans telle auberge de la rue Saint-Honoré », je la connais, la Gorelle, elle se précipitera au rendez-vous sans tarder. Ventredieu ! voilà la bonne solution ! »
Le soir, Landry fit part de son idée à Valvert, qui l’approuva et qui lui remit l’argent nécessaire pour acheter le concours de la Gorelle.
Le lendemain matin, vers onze heures, Landry, ayant dans sa poche la lettre destinée à Florence, le billet destiné à la Gorelle et une bourse convenablement garnie, s’enveloppa dans son manteau et sortit par la rue de la
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