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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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la rue. Trois jours durant, elle avait subi tous les examens possibles et imaginables. Les médecins firent le maximum pour déterminer la cause du mal-parce qu'ils se devaient de donner le meilleur d'eux-mêmes à leurs patients, mais aussi parce qu'elle était des leurs. Vendredi, à
    deux heures de l'après-midi, George Hannaby entra dans sa chambre avec les résultats des derniers examens et l'avis des spécialistes. Le fait qu'il f˚t venu en personne, plutôt que d'envoyer l'oncologiste ou le spécialiste du cerveau plus particulièrement concernés par son cas, ne pouvait signifier qu'une chose: la situation était particulièrement mauvaise-et pour la première fois de sa vie, Ginger le vit arriver sans grand plaisir.
    Assise dans son lit, elle portait un pyjama bleu que Rita Hannaby était allée chercher en même temps qu'un certain nombre d'affaires dans l'appartement de Beacon Hill. Elle lisait un policier en livre de poche, l'air faussement désinvolte, comme si ses troubles n'étaient que la conséquence d'une maladie bénigne.
    Mais au fond d'elle-même elle avait peur.
    Ce que George avait à lui dire était si dur à entendre qu'elle n'eut subitement plus la force de se composer un personnage. D'une certaine façon, c'était encore pire que tout ce à quoi elle s'était attendue.
    Ils n'avaient rien trouvé.
    Ni maladie. Ni lésion interne. Ni tare congénitale.
    Rien.
    George lui lut solennellement le résultat final et déclara que ses fugues incompréhensibles n'avaient pas la moindre cause pathologique. Et tout à coup, elle perdit la maîtrise de ses émotions. Elle se mit à pleurer, très doucement.
    Une cause physique aurait pu être soignée. Une fois guérie, rien n'aurait pu l'empêcher de reprendre sa carrière de chirurgien.
    Mais les résultats des tests et les opinions des spécialistes se traduisaient par ce même message insupportable: son problème était entièrement dans sa tête, c'était une maladie purement psychologique hors de portée de la chirurgie, des antibiotiques ou des psychotropes. quand quelqu'un souffre d'accès répétés de fugue auxquels on ne trouve aucune cause physiologique, le seul espoir d'y mettre un terme est une psychothérapie, bien que les meilleurs des psychiatres ne puissent se targuer d'un pourcentage de guérisons bien impressionnant dans ce domaine. Et de fait, une fugue était souvent l'indice d'une schizophrénie sur le point de se déclarer. Ses chances de contrôler son état et d'avoir une vie normale étaient minces; ses chances d'être internée, beaucoup plus évidentes, à
    son grand désespoir.
    Tout près de toucher au but de sa vie, à quelques mois de se lancer à corps perdu dans la chirurgie, sa vie se bri-sait comme une coupe de cristal. Même si son état n'était pas aussi désespéré, même si la psychothérapie lui donnait la possibilité de se contrôler, elle ne se verrait jamais accorder le droit de pratiquer des interventions.
    George tira des Kleenex de la boîte posée sur la table de nuit et les lui tendit. Il emplit un verre d'eau et dut insister pour lui faire prendre un Valium. Il lui tint la main et lui parla d'une voix douce, rassurante. Peu à peu, il la calma.
    quand elle se fut ressaisie, elle dit: ´ Voyons, George, je n'ai pas été élevée dans une atmosphère psychologiquement destructrice. Notre maison était heureuse et j'ai eu plus que ma part d'amour et d'affection. Je n'ai eu aucun problème d'ordre physique, mental ou émotionnel. ª Elle arracha des Kleenex et se moucha bruyamment. ´Pourquoi moi ? Comment aurais-je pu, avec le passé que j'ai, me créer une psychose ? Comment ? J'ai eu une mère fantastique, un père exceptionnel, une enfance comblée. Comment puis-je me retrouver avec un esprit aussi déglingué ?
    Ce n'est pas juste, non, et surtout, ce n'est pas croyable. ª
    Il s'assit au bord du lit. Il était si grand qu'il la domi-nait encore. Én premier lieu, les spécialistes m'ont dit que, pour toute une école de pensée, les maladies mentales sont la conséquence d'infimes modifications chimiques survenues dans les tissus du corps ou du cerveau, des modifications si infimes que nous ne pouvons les déceler ou les comprendre en l'état actuel des choses. Cela ne veut pas dire que vous êtes coincée par votre enfance. Et je ne crois pas que vous deviez remettre en cause toute votre existence. Deuxièmement, je ne suis pas convaincu-mais alors, pas du tout-que votre état ait à voir avec

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