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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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voit si peu à la Cour, car il est
toujours à courir les grands chemins au service du roi pour défaire les cabales
ou refaire les amitiés. Eh bien, Comte, ajouta-t-il, après avoir adressé un
signe de tête et un sourire au chevalier de La Surie (lequel en rougit de plaisir),
qu’avez-vous affaire à moi et quel message m’apportez-vous, et de qui ?
    — Mais du roi, Monseigneur, et ce message est une
prière.
    — Oh ! Une prière ! s’écria Angoulême, qui ne
faillait pas en finesse. Ma fé ! ajouta-t-il avec un sourire, une chose est
claire : du fait qu’on ne peut répondre « non » à la prière du
roi, cette « prière » ressemble fort à un ordre…
    — Toutefois, dis-je, un ordre donné par le roi à un
prince du sang est susceptible d’être aménagé.
    — Et vous êtes céans, Comte, pour procéder à cet
aménagement ?
    — Seulement avec votre agrément, Monseigneur, dis-je
avec un salut.
    — Eh bien, voyons ce qu’il en est, dit Angoulême avec
bonhomie. Tirez droit de l’épaule, Comte. Vous trouverez en moi un
interlocuteur des plus accommodants, vu que l’essentiel me semble préservé.
    Je lui dis alors ce qu’il en était du commandement alterné
de Schomberg et de lui, sans préciser toutefois que j’avais eu l’idée de ce
partage de pouvoir et que le roi n’avait fait que l’entériner.
    À quoi, après être demeuré clos et coi quelques instants,
Angoulême releva la tête et me dit :
    — Pourquoi pas ? S’agissant d’un siège, la chose
est possible sans grand inconvénient. Et Schomberg n’est pas un homme difficile
à vivre. C’est un bon soldat, et ses manières, bien que frustes, ne sont pas
messéantes. Toutefois, l’essentiel reste à déterminer.
    — Et quel est l’essentiel, Monseigneur ?
    — Garderai-je mon titre de lieutenant général des
armées ?
    — Le roi ne l’a pas précisé, mais cela va sans dire.
    — Il me semble pourtant que cela irait mieux encore, si
Sa Majesté me faisait la grâce de me le dire.
    — Je prierai donc Sa Majesté de se prononcer là-dessus.
    — S’il le fait dans le sens que j’espère, j’aimerais
garder les émoluments qui sont attachés à ce titre.
    — Cette demande, Monseigneur, me semble tout aussi
équitable. Elle fera partie des précisions que je réclamerai au roi.
    Je me fis en mon for cette réflexion que, pour « un
interlocuteur des plus accommodants », le duc savait très bien ce qu’il
voulait et avait l’œil sur ses intérêts. Il est vrai que, gâté en ses vertes
années par les excessives libéralités d’Henri III, il était devenu le plus
grand dépenseur de la création. Tant est que la pécune lui faillait toujours.
Mon père m’a raconté qu’à Saint-Cloud, la veille de l’assassinat de son oncle,
le Grand Prieur avait donné à souper à pas moins de quarante gentilshommes.
Là-dessus, passant avec Biron devant la salle où se donnait le festin,
Henri III avait remarqué, mais sans se fâcher le moindre :
« Voyez, Monsieur le Maréchal ! Voilà le Grand Prieur qui mange mon
bien. »
    Angoulême, qui était sur son partement pour passer en
revue – avec Monsieur de Schomberg – les troupes de Coureille, ne
voulut pas toutefois nous quitter sans nous régaler d’un flacon de son vin de
Bourgogne.
    Il en but lui-même coup sur coup deux gobelets, ce qui, loin
de lui réjouir le cœur, comme le veut le proverbe latin, le porta bien au
rebours à la mélancolie. Comme mon père lui disait qu’il n’était point pour
demeurer longtemps à La Rochelle, car il comptait sous peu départir pour Nantes
pour y visiter deux autres de ses fils, Pierre et Olivier, lesquels y étaient
armateurs et capitaines de vaisseaux de charge, il lui dit :
    — Ah ! Mon cher Siorac ! Comme j’aimerais
être à votre place ! Vous ne sauriez croire comme je suis las de ce
siège ! D’autant que j’y fus bien avant tout le monde et y suis, en fait,
le plus ancien demeurant. Je ne compte pour rien les pluies, les orages et les
vents glacés en cette côte inhospitalière. Mais Vramy ! Je ne me ramentois
point avoir jamais vécu une vie aussi ennuyante !
    À cela mon père, voyant qu’un demi-sourire plissait la lèvre
de La Surie, lui voulut ôter de la bouche quelque petite impertinence, et dit à
la franquette :
    — Eh, quoi, Monseigneur ! Ennuyante ! Mais la
Bastille !…
    — Oh ! mais la Bastille était une sorte de paradis
comparée à ceci !

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