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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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me tuant : grandissime
service qu’il m’avait rendu là, ces duellistes ne faisant pas plus de cas de la
vie d’un homme que de celle d’un poulet, mais redoutant, quoi qu’ils en
eussent, cette fameuse botte qui ne vous tue pas, mais fait pis : en vous
coupant le jarret, elle vous estropie à vie. Et comment diantre conter
fleurette à nos belles de Cour sur une seule jambe ? Ou pis encore, une
béquille sous le bras ?
    — Monsieur le Maréchal, dis-je entre la poire et le
fromage, quelque joie que j’éprouve à vous revoir, je viens à vous chargé de
mission par le roi que le différend entre vous et le duc d’Angoulême inquiète
excessivement, tant est qu’il voudrait que nous trouvions de concert un moyen
de l’apazimer. Voulez-vous que nous en parlions au bec à bec ou en compagnie de
ces messieurs ?
    — Le bec à bec n’est pas nécessaire. Mon opinion est
connue, dit Schomberg roidement. Personne au camp ne l’ignore. La raison pour
laquelle Louis a nommé le duc d’Angoulême lieutenant général des armées de La
Rochelle, c’était, comme vous savez, qu’il était atteint alors d’une grave
intempérie, au moment même où il se rendait lui-même sous les murs de la ville
pour en faire le siège. Il a cherché alors un prince de sang royal pour le
remplacer, afin de faire connaître au monde l’importance qu’il attachait à
cette campagne. Or, soucieux de ramener un jour les huguenots à son trône, il
noulut choisir le prince de Condé, car le prince est connu pour être un ennemi
encharné des protestants, lesquels, de leur côté, ne lui pardonneront jamais
l’odieux massacre de Nègrepelisse. Sa Majesté employa donc le prince de Condé à
poursuivre le duc de Rohan qui s’attachait à soulever le Languedoc protestant
pour aider La Rochelle. Cette opération était sans danger aucun pour
personne : Condé étant si lent et le duc de Rohan si vif, le premier ne
pourrait jamais rattraper le second.
    — Néanmoins, il le fera courir, dis-je en souriant, et
ce sera une bonne diversion.
    — Je vous le concède, Monsieur de Siorac, dit Schomberg
d’un ton plus doux. Mais revenons-en à Angoulême. À mon sentiment, dès lors que
Sa Majesté est advenue au camp, c’est Elle et personne d’autre qui se peut dire
lieutenant général des armées et Angoulême n’a plus à exiger la prééminence sur
moi. Étant maréchal de France, je ne peux commander en second, sinon sous le
roi.
    — Toutefois, dis-je, le duc est un prince du sang.
    — Mais non successible, puisqu’il est bâtard. En outre,
étant maréchal, je suis hors pair avec la noblesse de France.
    À cela, qui était l’évidence, je n’avais rien à dire et je
me demandais comment j’allais relancer l’entretien, tant il me paraissait clos,
quand mon père, après m’avoir consulté de l’œil, prit la parole.
    — Monsieur le Maréchal, dit-il, me permettez-vous
d’intervenir dans cette discussion ?
    — Monsieur de Siorac, dit Schomberg en s’inclinant avec
une considération des plus marquées, j’orrai volontiers votre avis, quel qu’il
soit. Je ne suis pas sans connaître, en effet, votre expérience et votre
sagesse.
    — Vous allez l’aimer, Monsieur le Maréchal : je
vous donne raison d’un bout à l’autre. Cependant…
    — Cependant ? dit Schomberg avec un sourire.
    — Le roi ne peut se passer ni de vous, ni de Monsieur
de Bassompierre, ni du duc d’Angoulême. Il vous veut tous les trois. Et, de force
forcée, vous ne pouvez que vous ne tâchiez de le satisfaire d’une manière ou
d’une autre.
    — Oui, mais comment s’y prendre ? dit Schomberg,
son mâle visage exprimant tout à la fois la fidélité au devoir et sa perplexité
quant au moyen qui lui permettrait de l’accomplir.
    Je jugeai le moment venu de reprendre à mon père les dés et
je dis :
    — Monsieur le Maréchal, il n’y a guère le choix. Il
faut que nous trouvions un compromis.
    — Un compromis ! s’écria Schomberg en levant ses
bras au ciel. Voilà qui me ragoûte peu ! Chaque fois que dans ma vie j’ai
accepté un arrangement, en fait de compromis, il n’y eut que mes intérêts qui
le furent…
    Je n’eusse pas cru Schomberg capable d’improviser un pareil giòco
di parole [17] car il n’était pas
connu à la Cour pour un homme d’esprit. En quoi la commune opinion se trompait
fort : parce qu’il était si grand, si large, si roide et si consciencieux,
on le croyait un peu

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