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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bleu étincelant de joie.
    — Je vous ragoûtais trop ? dit-elle, le sourcil
levé. Et pourquoi trop ?
    — Parce que je craignais, si la chose se faisait, que
tu ailles en caqueter à ta meilleure amie, laquelle l’eût répétée à tout le
domestique.
    — Je n’ai pas de meilleure amie que moi, dit Perrette,
et même à moi, je ne me dis pas tout…
    À cela, je ris à gueule bec, tant je trouvai la mâtine
éveillée et finaude.
    — C’est donc, dis-je, que tu as, toi aussi, quelques
bonnes raisons d’être discrète.
    — Oui-da, Monsieur le Comte, dit-elle avec une petite
grimace, je suis fiancée à un matelot de Nantes.
    — Fiancée comment ?
    — Pâques avant les Rameaux. Il n’eût pas voulu de moi
sans cela, vu que je n’ai pas un seul sol vaillant.
    — T’a-t-il au moins juré sa foi ?
    — Oui-da, Monsieur le Comte, après coup et devant
témoins.
    — Et tu n’es pas tombée grosse ?
    — Nenni, la Providence m’a protégée.
    — Et tu ne crains pas derechef d’affronter la
Providence avec moi ?
    — Nenni, dit-elle en riant, avec vous, Monsieur le
Comte, il n’y a pas péril.
    — Et d’où le tiens-tu ?
    — Franchon me l’a dit.
    — Franchon ? Qui est Franchon ?
    — Mais la soubrette que Madame de Brézolles a emmenée
avec elle à Nantes.
    — Et que t’a-t-elle dit ?
    — Elle a appris de Nicolas les herbes et où les mettre,
et c’est vous, Monsieur le Comte, qui les auriez enseignées à Nicolas.
    — Franchon n’est pas tant discrète que toi avec sa
meilleure amie.
    — Elle n’a pas de fiancé.
    — Aimes-tu le tien ?
    — Pour parler à la franquette, assez peu. Il est
violent, boit plus que de raison, court la ribaude et sème ses pécunes à tout
vent. Cependant, comparé aux autres, il est assez bravet.
    — Pourquoi le vas-tu épouser, si tu l’aimes si
peu ?
    — Qui aimerait, à mon âge, rester fille et être au
surplus déprisée de tous ? Et quel choix a une garce qui est tant pauvre
et dépourvue qu’elle n’a que son devant à donner ? Mon mari, à tout le
moins, ne me sera pas trop encombrant : il sera en mer un mois sur deux.
    Le bichonnage terminé, je m’allai asseoir sur ma chaire à
bras devant le feu et, plongé dans mes songes, je m’y tins clos et coi un long
moment. Je voyais Perrette pour la deuxième fois et en dix minutes, j’avais
tout appris de sa vie, alors que Madame de Brézolles, à son département,
m’avait caché et la cause précise de son procès et l’atout maître qui la
rendait si sûre de faire triompher sa cause. Je le voyais donc bien, à ma
grande confusion : la grande dame que j’aimais était moins transparente
que la soubrette et m’avait fait des cachottes. Cependant, je l’aimais et je
l’allais probablement marier, quand tous ces petits mystères seraient enfin
éclaircis. Mais n’était-il pas infiniment malheureux que je n’eusse pas encore
pour elle cette confiance entière sans laquelle une naissante amour ne peut
croître et durer ?
    L’avenir de Perrette, tel qu’elle l’avait décrit, et sans
même se plaindre, me remplissait de tristesse. Plus même qu’à Orbieu, j’avais
touché du doigt le sort d’une garcelette dont le mérite ne servait à rien, du
moment qu’elle ne possédait ni le rang ni la pécune.
    — Monsieur le Comte, dit-elle, j’ai un peu froid.
Peux-je m’approcher du feu et m’asseoir sur le tabouret que vous n’employez
pas ?
    — M’amie, dis-je doucement, je ne te chasse pas, mais
pourquoi demeures-tu céans ?
    — Mais, Monsieur le Comte, dit-elle comme étonnée, ne
faut-il pas que je vous habille tout à l’heure pour le souper ?
    — C’est vrai, dis-je. J’avais oublié. Assieds-toi,
Perrette.
    Elle prit place sur le tabouret à mes pieds, et au bout d’un
moment, sentant l’émeuvement que son sort m’inspirait, elle posa doucement sa
tête sur mon genou.

 
CHAPITRE VI
    Le lendemain de l’éclipse, le vingt-deux janvier au soir, un
de nos rediseurs réussit à s’échapper de La Rochelle et à passer dans le
camp royal. On ne l’y reconnut pas de prime pour ce qu’il était et le capitaine
de Bellec, qui patrouillait dans le camp, le trouvant sans laissez-passer,
l’eût pendu sans autre forme de procès, si le malheureux n’eût cité mon nom
comme quelqu’un qui pouvait acertainer qui il était. On me l’amena comme je
montais à cheval avec Nicolas pour me rendre à Pont de Pierre, et je

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