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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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reconnus
le coquart comme un barbier nommé Pottieux dont j’avais requis les services
trois ou quatre fois depuis mon arrivée au camp.
    Cet homme avait la plus belle face fouinarde, chattemite et
traîtreuse qui se puisse imaginer, tant est que même quand il disait la vérité,
on inclinait à le décroire.
    — Monsieur le Comte, dit Bellec, qui parlait bien et
qui aimait s’ouïr, le fait que ce barbier vous ait coupé le poil ne va pas
m’empêcher de lui couper le cou. Il est sorti sans sauf-conduit de ce nid de
guêpes huguenotes.
    — Pottieux, mon capitaine, n’est pas une guêpe, mais
une mouche. Et couper la tête à une mouche serait mal avisé, surtout quand elle
volette à l’ordinaire dans les alentours de Monsieur le Cardinal.
    — Et que fait-elle là ? dit Bellec, qui, au nom de
Richelieu, perdit quelque peu de sa piaffe.
    — Elle vrombit comme un petit frelon et ce
vrombissement doit intéresser le cardinal au dernier point puisqu’il l’écoute
au bec à bec.
    — Mais se peut, dit Bellec, que ladite mouche vrombit
aussi chez les guêpes huguenotes ce qu’elle a ouï et vu dans ce camp !
    — En quoi il se peut qu’elle soit utile aussi au
cardinal, surtout s’il la nourrit de fausses nouvelles.
    — Vous êtes trop profond pour moi, Monsieur le Comte,
dit Bellec, qui n’aimait pas ne pas avoir le dernier mot dans un entretien.
Vous plairait-il de prendre le quidam en charge et de le remettre vous-même à
Monsieur le Cardinal ?
    — Capitaine, bien que ce ne soit pas là ma mission, je
crois servir le roi en accédant à votre prière. Je me charge donc de remettre
votre prisonnier et je vous décharge en même temps de toutes vos
responsabilités à son endroit.
    Bien qu’il y eût une petite pique noyée dans le sein de ce
courtois propos, Bellec fit mine de ne pas l’entendre, me remercia à son tour
fort poliment et me recommanda de renvoyer à son régiment le cheval sur lequel
Pottieux était ficelé. Il était, en fait, fort soulagé de me laisser dans les
mains cette pierre qui lui brûlait les siennes, dès lors qu’il savait de quel
genre de pierre il s’agissait.
    — Nicolas, dis-je aussitôt, délie les mains de ce
malheureux.
    — Monsieur le Comte, et s’il s’ensauvait ? dit
Nicolas.
    — Moi, m’ensauver ? s’écria Pottieux avec aigreur.
Pour courir après ce petit capitaine de merde et le prier de me pendre !
Me pendre, morbleu ! Voilà comme je suis récompensé de me mettre à tant de
soins et périls pour servir mon roi ! Je ne suis pas capitaine,
assurément, et ne suis pas monté sur un grand cheval, mais je rends au roi plus
de services que ce grand façonnier. Sur la bonne centaine de capitaines qu’il y
a dans ce camp, on pourrait sans inconvénient aucun en économiser une vingtaine
qui ne sont là que pour se paonner. Mais quelle armée pourrait se passer de rediseurs  ?
Moi et mes pairs, nous sommes, pour ainsi parler, les yeux et les oreilles du roi.
    — Assurément, maître Pottieux, dis-je avec bonne
humeur, vous courez de grands dangers. Mais d’après ce que j’ai ouï dire, on
vous baille aussi maintes pécunes.
    — Cela est vrai, côté cardinal, mais cela est faux,
côté huguenot. Ils sont chiche-face à pleurer. Et avec cela, vous pouvez être
bien assuré que je suis avec eux fort épargnant aussi de mes redisances. Et
d’autant que je suis autant fidèle au roi que je peux l’être, sans pourtant
nuire à mes intérêts.
    Nicolas me jeta un œil, et je sus qu’il pensait comme moi
que ce Pottieux était le plus effronté et dévergogné traîtreux de la création
et qu’il y aurait eu peu de perte à le pendre, s’il n’avait été si utile au
cardinal.
    À Pont de Pierre, à peine eus-je mourmonné le nom de ce
coquin à l’oreille de Charpentier que je me retrouvai dans le petit cabinet que
l’on sait, le cardinal faisant porter incontinent une chaire aussi pour moi,
pour ce qu’il pensait sans doute qu’en raison de la mission que j’allais
accomplir auprès de la duchesse de Rohan, il me serait à profit d’ouïr Pottieux
parler de ce qui se passait à l’intérieur de La Rochelle. Or, le coquin
m’instruisit en effet beaucoup, car il ne faillait ni en esprit ni en finesse,
si bien qu’il avait beaucoup à dire, et il le disait avec une clarté, une
couleur et une élégance qui me laissèrent béant. Je fus moins étonné, plus
tard, lorsque j’appris qu’il avait été brillant élève

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