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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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fulgurantes lumières zèbrent un ciel de tempête : « Je reportai ma pensée à l’éternelle Isis, la mère et l’épouse sacrée ; toutes mes aspirations, toutes mes prières se confondaient dans ce nom magique, je me sentais revivre en elle, et parfois elle m’apparaissait sous la figure de la Vénus antique, parfois aussi sous les traits de la Vierge des chrétiens » ( Aurélia ). Ici, l’accusation de syncrétisme ne tient pas : il s’agit d’une réalité beaucoup plus profonde et inhérente à la nature humaine.
    Cette réalité de la Mère innombrable échappe en effet à toute classification et ne se contente d’aucune formulation dogmatique, quel que soit le système religieux considéré. C’est ainsi qu’on peut découvrir l’un des hommages les plus vibrants, les plus sincères, les plus justes, et probablement aussi le plus émouvant, à la Grande Déesse universelle dans l’étrange récit de L’Âne d’or , de l’auteur latin du Bas-Empire Apulée, initié aux mystères isiaques et pétri de culture hellénistique. Il fait ainsi parler son héros, Lucius, qui est son double : « Reine du ciel, que tu sois Cérès nourricière, mère et créatrice des moissons, […] qui hante maintenant les champs d’Éleusis ; ou Vénus céleste, qui, après avoir aux premiers jours du monde uni les sexes contraires en donnant naissance à l’Amour et perpétué le genre humain par un éternel renouvellement, reçoit maintenant un culte dans le sanctuaire de Paphos entouré des flots ; ou la sœur de Phœbus, qui, en soulageant par des soins apaisants les femmes en travail, a suscité des peuples entiers, et qu’on vénère à présent dans le temple illustre d’Éphèse ; ou la terrible Proserpine aux hurlements nocturnes et au triple visage, qui réprime les assauts des larves, tient fermées les prisons souterraines, erre çà et là dans les bois sacrés, et qu’on rend propice par des rites divers – toi qui répands ta lumière féminine sur tous les remparts, nourris de tes humides rayons les semences fécondes, et dispenses dans tes évolutions solitaires une clarté incertaine – sous quelque nom, par quelque rite, sous quelque aspect qu’il soit légitime de t’invoquer –, assiste-moi dans mon malheur » ( L’Âne d’or , XI, 2).
    Telle est la prière du croyant , et peu importe la religion à laquelle il prétend appartenir. Et l’invocation se fait évocation, la Déesse apparaît et parle à son tour : « Je viens à toi, Lucius, émue par tes prières, moi, mère de la nature entière, maîtresse de tous les éléments, origine et principe des siècles, divinité suprême, reine des mânes, première entre les habitants du ciel, type uniforme des dieux et des déesses . Les sommets lumineux du ciel, les souffles salutaires de la mer, les silences désolés des enfers, c’est moi qui gouverne tout au gré de ma volonté. Puissance unique, le monde entier me vénère sous des formes nombreuses, par des rites divers, sous des noms multiples. Les Phrygiens, premiers-nés des hommes, m’appellent mère des dieux, déesse de Pessinonte ; les Athéniens autochtones, Minerve cécropienne ; les Cypriotes baignés des flots, Vénus paphienne ; les Crétois porteurs de flèches, Diane dictynne ; les Siciliens trilingues, Proserpine stygienne ; les habitants de l’antique Éleusis, Cérès actéenne ; les uns Junon, les autres Bellone, ceux-ci Hécate, ceux-là Rhamnusie. Mais ceux que le dieu Soleil éclaire à son lever de ses rayons naissants, de ses derniers rayons quand il penche vers l’horizon, les peuples des deux Éthiopies et les Égyptiens puissants par leur antique savoir m’honorent du culte qui m’est propre et m’appellent de mon vrai nom, la reine Isis » ( L’Âne d’or , XI, 5). Et si Apulée avait eu quelque connaissance des traditions celtiques extrême-occidentales, il n’aurait pas manqué d’ajouter les noms de Dana ou Anna, de Brigit, de Macha, de Morrigane ou Rhiannon, la « grande reine », ou encore Arianrod, la « roue d’argent », pour ne citer que quelques appellations parmi tant d’autres, désignant toutes la même et unique divinité féminine des Commencements.
    Mais la Déesse ne se contente pas de parler à Lucius, elle lui apparaît , et la description qu’en donne Apulée a de quoi laisser rêveur : « Merveilleuse apparition, et dont à vous aussi je m’efforcerai de donner une idée, si toutefois la

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