La grande déesse
de Stuttgart. Les vestiges qu’on y a découverts sont particulièrement nombreux et intéressants, et on y a organisé un musée en plein air qui donne une vision saisissante de ce que pouvait être le limes . Ici, la Grande Déesse est présente, mais dans un étonnant syncrétisme : elle y apparaît en effet sous les traits de la celtique Épona, la cavalière divine, sous ceux de Diane-Artémis, héritière d’une divinité germanique de la vie sauvage, sous ceux de la Vesta romaine, protectrice du feu perpétuel. Ce Limesmuseum est l’un des sites les plus révélateurs de ce qu’a été la culture dite germano-romaine.
C’est cependant dans la région rhénane que les vestiges germano-romains sont les plus nombreux, en particulier autour de Cologne. Pesh a certainement été l’un des grands centres de pèlerinage en l’honneur des fameuses Matronae , ces triades de déesses mères anonymes qui témoignent d’une tradition d’origine celtique, et le sanctuaire, partiellement restauré, présente une grande quantité de ces représentations par ailleurs fort nombreuses dans l’est de la France. Mais ces Matronae primitives, au fil des âges, semblent s’être fondues dans une nouvelle figuration héritée de l’Orient (car de nombreux légionnaires étaient d’origine orientale), en l’occurrence la Cybèle de Phrygie devenue le symbole universel de la Mère. Cependant, le culte local des Matronae a résisté à l’invasion étrangère, comme en témoigne un autre sanctuaire, celui de Nettersheim, où les triades de femmes sont particulièrement nombreuses et émouvantes. Bien sûr, beaucoup de ces statues, enlevées du site originel, se retrouvent au Römische-Germanische Museum de Cologne, où elles voisinent avec les déesses importées de Rome, Minerve, Vénus, Diane, Cybèle bien entendu, mais également Isis, elle-même symbole éloquent d’une maternité intransigeante, et dont les figurations sont bien souvent des prototypes de ce qui deviendra la Madone chrétienne.
Les pays scandinaves, eux non plus, ne sont guère touchés par le culte marial, pour cause de luthéranisme, et les vieilles divinités du panthéon germano-scandinave sont enfouies dans les musées. Le site d’Uppsala, en Suède, qui fut autrefois un grand sanctuaire païen, n’est plus qu’une curiosité archéologique et touristique. Quant au célèbre Chaudron de Gundestrup, conservé au musée d’Aarhus, au Danemark, c’est un objet entièrement celtique, illustration parfaite de la mythologie du temps des druides, avec l’étrange représentation de celle que les Gallois appellent Rhiannon, la « Déesse aux oiseaux ». La mythologie germanique n’a guère été marquée par la femme, si l’on excepte la figure de Freya, en qui on peut reconnaître l’un des aspects d’Aphrodite, celle de Erda, la Terre personnifiée, qui est l’équivalent de Gaia, ou encore celle de Hell, la déesse du monde infernal, qui a certaines caractéristiques d’Hécate et d’autres d’une Perséphone cruelle rappelant Kâli la Noire.
Mais le culte de la Vierge Marie se retrouve aux Pays-Bas, territoire très partagé entre catholiques et calvinistes. C’est dans l’extrême sud que se trouvent les principaux centres de pèlerinage, notamment à Maastricht, où la Sterre der Zee , autrement dit la Stella Maris , ne fait que recouvrir une image d’Isis dans sa barque, au cours de la quête passionnée qu’elle entreprend pour rechercher le corps démembré d’Osiris. Et, au nord de Maastricht, à Roeœrmond, c’est une Notre-Dame-du-Sable qui est honorée dans une chapelle plusieurs fois détruite et reconstruite. Maastricht et Roeœrmond sont éloignées de la mer, mais il semble que la Vierge y ait gardé quelque chose de l’antique déesse des eaux nourricières et guérisseuses. Le Rhin, qui coule non loin de là, ne vient-il pas des régions mystérieuses des Alpes où s’opèrent les délicates transmutations donnant naissance à l’eau, cette substance qui coule à travers la terre et tout organisme vivant, dépositaire de l’âme du monde ?
La Suisse, partagée entre trois langues et deux religions, offre un aspect voisin de celui des Pays-Bas, et c’est évidemment en Suisse alémanique, à dominante catholique, que le culte de la Déesse s’est maintenu le plus sûrement. Ce culte remonte d’ailleurs à la plus haute Antiquité, comme en témoigne la ville de Berne. On sait que le nom de Berne a
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