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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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états-majors différaient sensiblement [89] . Le plan de
guerre français ou Plan XVII, conçu par le général Joffre, chef de l’état-major
depuis 1911, était imprégné de culture napoléonienne et s’inspirait en droite
ligne des conceptions de Foch et Du Picq. Il s’agissait d’attaquer droit
devant, « à la gorge » [90]  ; le sort
des armes lors du premier engagement décidant de la conduite à tenir pour le
reste des opérations. Pour les stratèges français, et à l’opposé de la
conception allemande, « un plan de guerre préparait la bataille, il ne la
conduisait pas » [91] .
Sur le plan tactique, les conceptions françaises se matérialisaient par une
croyance presque absolue en la prédominance de la manœuvre sur le feu [92] .
Pour cette raison, l’armée française mésestima le rôle de l’artillerie dans le
futur conflit. La lecture du décret du 28 octobre 1913 portant
règlement sur la conduite des grandes unités est, à cet égard, plus qu’édifiante :
« La conduite de la guerre est dominée par la nécessité de donner aux
opérations une impulsion vigoureusement offensive. La bataille, une fois
engagée, doit être poussée à fond, sans arrière-pensée, jusqu’à l’extrême
limite des forces. » [93] Durant les trente-cinq années précédant 1914, le haut-commandement français
élabora toute une série de plans numérotés de I à XVII. À l’origine, les
premiers plans étaient très modestes. Ces plans, qui n’envisageaient qu’une
attitude défensive raisonnable conjuguée à l’amélioration du réseau
ferroviaire, peuvent, à de nombreux égards, être considérés comme tout à fait
sensés. Cependant, en 1890, les Français commirent une profonde erreur d’appréciation
sur le rôle des fortifications dans la guerre moderne. En effet, la mise en
place d’un nouveau programme de fortifications, tout en favorisant la frontière
orientale, négligeait, pour des raisons diplomatiques [94] , la frontière
nord face à la Belgique. La France remettait imprudemment au petit royaume la
défense de cette partie du front [95] . La
sous-estimation du rôle qu’allaient jouer les fortifications lors de la
Première Guerre mondiale explique en partie l’erreur d’appréciation française
quant à l’importance de l’artillerie lourde dans la défense de ces
fortifications [96] .
Le réseau français de fortifications pâtit de cette lacune, essentiellement
dans les zones jugées non prioritaires comme la frontière belge. De fait, seuls
les points véritablement stratégiques du front, à l’instar de Verdun, furent
modernisés. Les polémiques et les luttes d’influence au sein du
haut-commandement français pour la désignation d’un nouveau chef d’état-major
provoquèrent une grave crise en 1911. Le général Michel, pressenti comme
futur général en chef, proposa au ministère de la Guerre une série de réformes
en faveur de la constitution d’une armée selon le modèle suisse, avec un
accroissement des troupes de réserve ainsi qu’un renforcement du front nord
(afin de contrer une offensive allemande par la Belgique, qui apparaissait de
plus en plus probable). Mis en minorité au sein de l’état-major, le
gouvernement retira sa lettre de commandement à Michel au profit du général Joffre.
Son éviction fut le signe de l’influence sans cesse grandissante des partisans
de l’offensive à outrance dans les rangs de l’armée française. L’une des
figures les plus marquantes en était le colonel de Grandmaison qui pouvait
proclamer : « L’armée française, revenue à ses traditions, ne connaît
plus d’autres lois que celles de l’offensive. » [97] Joffre [98] ,
acquis aux idées offensives en dépit d’une certaine prudence, subira l’influence
de ses subordonnés lors de la rédaction du Plan XVII. Au terme d’un
jugement quelque peu excessif mais non dénué de pertinence, M. Fuller
écrivit que « Joffre devint l’instrument d’une société secrète de
militaires dont la doctrine reposait sur le mépris de l’intelligence et le
culte de l’intuition. Le plan reposait tout entier sur l’idée mystique de l’offensive » [99] . Ainsi, un plan
élaboré par le général Demange, pourtant particulièrement ingénieux, fut
repoussé dans la mesure où il apparaissait « comme défensif, puisqu’il
attendait que l’ennemi abatte ses cartes au lieu de prendre immédiatement l’offensive » [100] .
    Le

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