La grande guerre chimique : 1914-1918
certain nombre de chef de corps
que les Gas Companies n’étaient en fait qu’une simple unité supplémentaire à
leur disposition. De fait, Foulkes fut contraint d’abandonner une partie de son
contrôle opérationnel sur ses unités. Cela lui fut particulièrement pénible
lorsque le commandant d’un corps d’armée se trouvait être un farouche
adversaire des gaz.
Une fois encore, Foulkes, fervent adepte des nuées
dérivantes, se trouvait de plus en plus isolé au sein des forces armées. Un
grand nombre d’officiers, y compris au sein des Gas Companies, penchaient en
faveur de l’utilisation des projecteurs qui, outre qu’ils nécessitaient une
manutention réduite par rapport aux cylindres, semblaient être plus efficaces [430] .
Les Allemands étaient parvenus à cette même conclusion depuis plusieurs mois et
avaient déjà pratiquement abandonné les émissions de gaz au profit de l’artillerie
chimique. Au sein de l’armée britannique, l’obstination aussi incompréhensible
qu’acharnée de Foulkes retardait cette inéluctable issue. Néanmoins, et face à
la pression croissante des partisans des projecteurs, Foulkes, pourtant
réticent, décida à la fin de l’année 1916 que toutes les Gas Companies
recevraient dorénavant un entraînement à l’utilisation des projecteurs. Cette
décision fut à l’origine d’une rumeur tenace qui parcourut la Special Brigade à
la fin du mois de novembre 1916 : les compagnies allaient bientôt
abandonner définitivement les cylindres pour les projecteurs [431] .
Ces supputations furent relancées quelques jours plus tard lorsque le général Haig
et le directeur du Gas Service recommandèrent une réduction drastique du nombre
de Cylinders Companies dans le but de les transformer en Mortar Companies [432] .
Le major Foulkes, refusant une nouvelle fois d’admettre la supériorité de l’artillerie
chimique, rejeta toutes ces propositions et continua, de réunions d’information
en exercices de démonstration, à louer « la redoutable efficacité des
nuées dérivantes ». Son action rencontrait cependant peu d’écho et de
nombreux officiers supérieurs britanniques, hostiles à toute forme de guerre
chimique, moquaient les gesticulations et le lobbying de Foulkes. Un de
ces officiers, commentant les efforts de la compagnie A qui installait ces
cylindres près de Langemark, affirmait avec un humour quelque peu troupier :
« C’est aussi efficace qu’un cheval qui pète dans un désert. » [433]
Le début de l’année 1917 donna lieu à une suite de revers
pour les forces chimiques britanniques. L’un des échecs les plus cinglants eut
lieu à la fin du mois de février, lors d’une banale émission dans le secteur de
Vimy. L’offensive générale, visant à la prise d’Arras, dépendait largement du
succès de cette attaque chimique, dont la réussite devait permettre d’enlever
une crête qui surplombait le village de Vimy. Le général Horne confia
cette tâche capitale à quatre divisions du corps canadien commandées par Sir Julian
Byng. Si cet assaut canadien sur la crête de Vimy est rentré dans la légende [434] comme l’un des plus meurtriers de la Grande Guerre, le rôle des Gas Companies
au cours de cette épisode demeure largement ignoré. De fait, les opérations
menées vers la fin du mois de février [435] par les compagnies C,
J et M illustraient parfaitement les difficultés généralement rencontrées par
les Cylinders Companies. Dans le but de faciliter les premiers raids de
reconnaissance planifiés par la 4 e division canadienne, la compagnie M
prévoyait d’effectuer deux émissions distinctes de nuées dérivantes sur un front
de 2 300 m. Des conditions météorologiques défavorables retardèrent
le début des opérations mais, le 1 er mars 1917, les 1 308 cylindres
de White Star purent enfin libérer leur contenu mortel dans un vent léger et
glacial. Vers 4 h 45, soit l’heure prévue pour la seconde vague de
chlore et de phosgène, le vent changea brutalement de direction et se mit à
souffler d’est en ouest. Sur les 680 cylindres qui devaient être utilisés
pour cette nouvelle attaque, seuls 80 relâchèrent leur gaz. Au moment de l’offensive,
les défenses allemandes, qui avaient disposé depuis la première vague du temps
nécessaire pour se reconstituer, accueillirent les fantassins canadiens sous un
feu nourri de mitrailleuses. Les pertes furent nombreuses, très
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