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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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  ? ajouta l’autre en retombant lourdement, jambes écartées, sur sa chaise comme un sac de sable.
    Le chef comptable de Jardine & Matheson fit signe qu’il n’en était rien.
    —  Pour me faire pardonner, je vous propose une devinette. Peut-être vous apprendrai-je quelque chose à mon tour… Savez-vous pourquoi on appelle les prostituées originaires d’Argentine la « garde consulaire française   »   ? hoqueta Homsley, que ses soûleries portaient immanquablement vers des blagues antifrançaises scabreuses.
    —  Pas vraiment, mais je brûle de le savoir… murmura Nash, accablé et qui souhaitait désormais couper court.
    —  Au cours d’un dîner chez des amis, donné en l’honneur de notre grand romancier Anthony Trollope, celui-ci expliqua aux convives, dont j’avais l’honneur de faire partie, que l’expression était due au grand nombre de filles de joie originaires de Buenos Aires, aux abords du consulat de France… Quand un client va aux filles, là-bas, on dit qu’il va prendre un cours de français.
    —  Pas possible   !
    —  Je vous jure que je l’ai entendu de la bouche même de cet excellent Trollope   !
    —  Comme c’est drôle… Je comprends mieux, à présent, pourquoi de nombreux marins anglais ne parlent pas de syphilis mais de « mal français   »…
    —  Ou de « variole française   »…
    —  Ou mieux encore : de « goutte française   »… ne put s’empêcher de répondre le comptable.
    —  Quelle horreur, mon vieil ami   ! Quelle pitié   ! cria Arthur qui s’apprêtait à lever à nouveau le coude.
    —  Je parle on ne peut plus sérieusement, mon cher. Il faut se méfier de tout ce qui est français   !
    Dans la petite salle enfumée du club, les clients des tables alentour, qui n’avaient pas perdu une miette de leur dialogue, hurlaient de rire, excités comme des puces par cet assaut de bons mots, lequel, au demeurant, était monnaie courante dans la société anglaise victorienne où railler la France et ses habitants ridicules relevait d’un sport national.
    —  Quand on va aux filles, il vaut mieux se protéger avec une « lettre française   », lança un homme à la face rubiconde, dont les bacchantes jaunies par la fumée de sa pipe rejoignaient les favoris.
    —  Je vous signale, mon cher, qu’en France, au lieu et place de « lettre française   », on dit bel et bien « capote anglaise   »   ! conclut Stocklett en se levant, ce qui déclencha un tonnerre d’applaudissements et de rires, en même temps qu’une rafale de bras levés tenant chacun une chope de bière vide, que le serveur toujours aussi prévenant s’empressa de remplacer.
    —  Vous ressemblez à ces politiciens qui prétendent se faire élire par la populace depuis que cette pétition circule… Vous savez, celle de Place et Lowett P , ces deux artisans menuisiers qui prétendent instituer le suffrage universel   ! Rien que ça… se mit à hurler Homsley dont les lèvres ourlées de mousse blanche disparaissaient un peu plus dans la moustache.
    —  Mon cher, vous avez ici un supporter en ma personne. Donner le droit de voter à n’importe qui est une ineptie grotesque   ! gloussa un individu dont le visage rougeaud s’inscrivait dans des rouflaquettes encore plus enflammées que le bout de son nez.
    Nash Stocklett sortit sa montre de son gousset et se leva de sa chaise tant bien que mal.
    —  Bon   ! À présent, il faut vraiment que j’y aille…
    —  Vous en faites une de ces têtes… lui glissa Homsley.
    —  C’est que… je n’aime pas trop le genre de corvée qui m’attend   ! souffla, l’air sincèrement accablé, le chef comptable de Jardine & Matheson avant de serrer la main ramollie par l’alcool de son partenaire au tarot.
    —  Faites attention, monsieur, ça glisse… souffla, en lui ouvrant la porte à deux battants, le portier du club à l’intéressé, qui se demanda si ce n’était pas une insolente allusion à son état d’ébriété avancé.
    Au pied de l’escalier du perron, le trottoir était mouillé. Il avait dû pleuvoir pendant qu’il trinquait avec Homsley.
    —  Votre parapluie, monsieur Stocklett   ! s’écria le concierge en se précipitant vers le chef comptable qui était déjà sur la chaussée.
    —  Merci mon brave   ! répondit ce dernier tout en cherchant dans son gousset la menue pièce de cuivre qu’il convenait de donner dans ces circonstances.
    Mais, au moment où,

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