La guerre des rats(1999)
et Tchekov pour la première fois alors qu’il chassait sur le Mamayev Kourgan. Les trois garçons de ferme de Tbilissi, en Géorgie, abattaient calmement des nazis à deux cents mètres de distance avec des fusils sans lunette. Viktor avait découvert Griasev — mammouth aux bras comme des marteaux piqueurs — à l’usine de tracteurs, où il jetait des grenades à cinquante mètres avec une précision stupéfiante. Kostikev était un Sibérien de la compagnie de Zaïtsev. Aussi doué pour manier le poignard que le fusil, il montrait au combat un calme que Zaïtsev n’avait jamais vu. Enfin, le Lièvre avait passé des heures au Barricades à regarder le minuscule Nikolaï Koulikov ramper une douzaine de fois sous le feu de l’ennemi pour ravitailler une escouade bloquée dans une tranchée.
Cette première fournée de volontaires semblait aguerrie. Les tailles de ses membres s’étageaient de l’énorme Griasev à une petite Arménienne indolente, l’une des deux femmes du groupe.
— Je suis l’adjudant-chef Vassili Zaïtsev, votre instructeur. Je suis secondé par l’adjudant Viktor Medvedev. (L’Ours leva sa cigarette.) Et bien entendu par le commissaire Danilov.
Le Lièvre sourit au zampolit, mais celui-ci, qui griffonnait sur son cahier appuyé contre le mur, ne releva pas la tête.
— L’instruction durera trois jours, reprit Zaïtsev. Aujourd’hui, nous discuterons d’armes, d’expérience du combat et de tactique. Demain, on vous apprendra à viser et à tirer avec un fusil à lunette. Le troisième jour, vous serez envoyés en mission. Ceux qui reviendront seront affectés à leur compagnie comme tireurs d’élite. (Zaïtsev pivota sur ses talons.) Viktor.
L’Ours se leva de sa caisse, prit deux fusils munis de lunettes télescopiques. Il s’approcha des recrues, posa une des armes par terre.
— Quand vous êtes arrivés ce matin, on vous a dit de laisser vos vieux flingots dans le couloir. Ils seront remis à l’infanterie, vous en recevrez de nouveaux ce soir.
Medvedev scruta les visages des soldats ; aucun ne détourna les yeux : l’Ours captait l’attention.
— Paraît que deux d’entre vous sont carrément venus sans armes, reprit-il. Ils doivent être sacrément dangereux, comme combattants…
Le groupe rit avec son instructeur, qui leur montra le fusil qu’il avait gardé.
— Voilà l’arme de l’ennemi. Le Mauser Kar 98 K. Il est équipé d’une lunette à grossissement 4 et tire des balles de 8 mm. C’est une saloperie qui peut vous tuer.
Viktor épaula, visa presque instantanément un volontaire situé à dix mètres de lui. L’homme sursauta, se ressaisit. Le visage de l’Ours se rida.
— Optique médiocre, champ de vision limité, commenta-t-il. La lunette a un réticule en croix, ce qui d’après moi accentue l’impression de flottement. L’équilibre est lamentable et il s’enraye.
Il pressa la détente, le percuteur claqua. Aussitôt, sans éloigner la crosse de sa joue, il actionna la culasse comme pour faire monter une autre balle dans la chambre.
— La culasse est bien placée, juste au-dessus de la détente, ça permet de recharger rapidement. Un soldat nazi moyen tire deux fois en quatre secondes et demie avec ce flingot.
Viktor laissa tomber le Mauser, l’expédia du pied contre un mur, prit l’autre fusil et le tint à deux mains au-dessus de sa tête.
— Ça, c’est aussi l’arme de l’ennemi, dit-il en le faisant tourner comme un bâton. Le Moisin-Nagant russe, modèle 91/30, avec lunette à grossissement 4. Il tire des pruneaux de 7,62 mm, il est sûr en toutes circonstances, notamment par temps froid, et c’est l’arme préférée des tireurs d’élite, russes et allemands… (Les volontaires eurent un sourire que Medvedev ne leur rendit pas.) Votre boulot, c’est de pas mourir pour pas laisser ces fusils tomber aux mains de l’ennemi. Qu’ils continuent à se servir de leurs saloperies. Ça, c’est aux Russes. Compris ?
Viktor épaula, visa le même soldat qui, surpris de nouveau, eut un mouvement de recul et se redressa, l’air gêné.
— Optique excellente, avec un réticule en T, qui laisse ouvert le dessus du champ de vision. La lunette a un réglage interne d’azimut et de hausse. Elle est montée assez haut au-dessus du canon pour vous permettre de viser à l’œil nu à moins de cent mètres. Le fusil lui-même est bien équilibré et pèse quelques grammes de plus que le Mauser.
Viktor abaissa le
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