La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
les paroles d’Apollon semblaient se révéler mensongères.
Mais lorsque leur deux fils eurent atteint l’âge adulte, Thèbes
fut éprouvée par la peste. Le fléau n’épargnait rien ni personne ; non
seulement les humains mouraient tous, mais les troupeaux, le bétail, les fruits
de la terre étaient partout détruits eux aussi ; ceux qui échappaient à la
mort par maladie succombaient à la famine. Personne n’en souffrait plus
qu’Œdipe ; il se considérait comme le père de son État, ceux qui le
peuplaient étaient ses enfants et la souffrance de chacun d’eux devenait la
sienne. Il chargea Créon, le frère de Jocaste, de se rendre à Delphes pour y
implorer l’aide du dieu.
Créon en revint avec de bonnes nouvelles. Apollon avait
déclaré que la peste serait enrayée à la seule condition que la mort du Roi
Laïos fut vengée et le meurtrier puni. Œdipe se sentit immensément soulagé.
Malgré les années écoulées, le ou les coupables seraient certainement retrouvés
et le châtiment suivrait aussitôt. Au peuple rassemblé, il transmit le message
rapporté par Créon.
… Qu’aucun homme de ce pays
Ne l’accueille. Chassez-le de vos foyers
Comme un pestiféré, un homme pollué.
Et solennellement je demande pour celui qui a
tué
Qu’il passe le reste de ses jours dans l’infortune,
lui qui a amené le malheur.
Avec énergie, Œdipe prit l’affaire en main. Il envoya
chercher Tirésias, le vieux prophète aveugle tant révéré des Thébains et lui
demanda s’il croyait pouvoir découvrir les coupables. À sa stupeur indignée, le
devin refusa d’abord de répondre. « Pour l’amour de dieu » implora
Œdipe, « si tu as quelque science… » « Insensés », dit
Tirésias. « Vous n’êtes tous que des insensés. Je ne répondrai pas. »
Mais lorsque Œdipe alla jusqu’à l’accuser de garder le silence parce qu’il
avait lui-même trempé dans le meurtre, le saint homme se fâcha lui aussi et les
mots qu’il aurait voulu ne jamais dire tombèrent comme des pierres de ses
lèvres. « Tu es toi-même le meurtrier que tu recherches. » Œdipe crut
que Tirésias divaguait ; ce qu’il disait semblait pure folie. Il le chassa
de sa présence et lui ordonna de ne plus jamais paraître.
Jocaste elle aussi n’eut que raillerie : « Pas
plus que les oracles, les prophètes ne sont infaillibles », dit-elle, et
elle raconta à son époux que la prêtresse de Delphes avait autrefois prédit que
Laïos mourrait de la main de son propre fils et comment le Roi et elle-même
avaient fait disparaître l’enfant afin que la prophétie ne pût se réaliser.
« Et Laïos a été égorgé par des voleurs sur le chemin de Delphes, là où
trois routes se croisent », conclut-elle, triomphante. Œdipe lui jeta un
regard étrange. « Quand ceci s’est-il passé ? » demanda-t-il
lentement. « Peu avant que tu n’arrives à Thèbes », précisa-t-elle.
« Combien d’hommes l’accompagnaient ? »
demanda encore Œdipe. « Ils étaient cinq », dit Jocaste, parlant
vite. « Et tous, sauf un, furent tués. » « Il faut que je voie
cet homme », lui dit-il. « Envoie-le chercher. » « Oui, je
le ferai, et sans tarder ; mais j’ai le droit de savoir ce que tu as dans
l’esprit. » « Tu en sauras tout autant que moi », répondit-il.
« Je m’étais rendu à Delphes peu avant de venir ici parce qu’un homme
m’avait jeté au visage que je n’étais pas le fils de Polybe et je voulais
interroger le dieu à ce sujet. Il ne me répondit pas mais il me dit des choses
horribles – que je tuerais mon père, épouserais ma mère et aurais des enfants
que les hommes ne pourraient regarder sans frissonner. Je ne suis jamais
retourné à Corinthe. En quittant Delphes, en un lieu où trois routes se
croisent, je rencontrai un homme suivi de quatre serviteurs. Il voulut
m’écarter du sentier, il me frappa de son bâton. Furieux, je m’élançai sur eux
et les tuai. Se pourrait-il que Laïos fût leur maître ? » « Le
survivant parlait de voleurs », dit Jocaste. « Laïos a été tué par
des brigands et non par son propre fils – ce pauvre innocent qui mourut sur la
montagne. »
Tandis qu’ils parlaient, un fait nouveau sembla donner
encore une preuve qu’Apollon pouvait parfois mentir. Un messager venu de
Corinthe annonça à Œdipe la mort de Polybe. « O oracle du
dieu ! » s’écria Jocaste. « Où es-tu maintenant ?
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