La naissance du roi Arthur
temps et s’en servait lorsqu’elle le
voulait. Elle avait aussi une grande expérience de la médecine et savait composer
des onguents et des breuvages qui guérissaient ou qui emportaient l’esprit dans
les espaces invisibles. Et c’est pourquoi on l’appela plus tard Morgane la Fée.
Et l’on raconta sur elle de bien étranges histoires.
Uther Pendragon était tout heureux de cette situation. Il
avait enfin obtenu celle qu’il désirait si ardemment, et cette fois c’était
sans sortilège et en toute lumière. Mais au bout de trois mois, la grossesse
d’Ygerne devint évidente. Une nuit où Uther était auprès de sa femme, posant la
main sur le ventre de celle-ci, il lui demanda doucement de qui elle était
enceinte. Ce ne pouvait en effet être de lui puisque, depuis son mariage, il
avait noté régulièrement les nuits où il avait couché avec elle. Ce ne pouvait
pas non plus être l’enfant du duc Gorlais, puisque celui-ci n’avait pas couché
avec sa femme déjà longtemps avant sa mort. Uther disait cela de façon
délibérée pour savoir comment réagirait Ygerne. À la fin, celle-ci se mit à
pleurer.
« Seigneur roi, dit-elle tout en larmes, je ne peux pas
te mentir puisque tu sais bien ce qu’il en est. Je te demande seulement d’avoir
pitié de moi et de ne pas me tenir responsable de ce qui est arrivé. Si tu
m’assures que tu ne m’abandonneras pas, quoi que je dise, je veux bien te
révéler une aventure surprenante. » Le roi l’assura qu’il ne
l’abandonnerait jamais. Alors Ygerne lui raconta comment un homme qui
ressemblait étonnamment à son mari avait pénétré dans sa chambre et avait
couché avec elle, la nuit même où le duc Gorlais avait été tué dans l’assaut
qu’il menait contre le camp du roi. Et Ygerne ajouta : « Cet homme
était accompagné des deux meilleurs chevaliers que mon mari ait jamais eus et
en qui il avait toute confiance. C’est ainsi qu’il vint me rejoindre dans ma
chambre, au vu et au su de tous mes gens, et qu’il coucha avec moi. J’étais
bien persuadée que c’était le duc, mon mari, et c’est lui qui a engendré cet
enfant que je porte. Je t’ai dit toute la vérité à ce sujet. »
Uther fut ravi de constater qu’Ygerne n’oserait jamais
avouer publiquement la naissance de cet enfant dont elle ignorait tout du père.
« Mon amie, lui dit-il, je te prie de tout faire pour dissimuler ta
grossesse, car si on le savait, tu en serais déshonorée. Quant à cet enfant que
tu vas mettre au monde, il faut que tu comprennes que ni toi ni moi ne pouvons
le garder avec nous, car il serait déraisonnable de le faire considérer comme
le nôtre. Au moment de sa naissance, je te prierai de le remettre à une
personne que je t’indiquerai. Ainsi, nous n’entendrons jamais plus parler de
lui. » – « Je ferai pour le mieux, selon tes conseils »,
répondit Ygerne.
Les mois passèrent et le temps de la délivrance approchait.
C’est alors que Merlin revint du Nord. Il commença par s’entretenir secrètement
avec Urfin, lui demandant de lui faire un rapport complet sur ce qui s’était
passé durant son absence. Urfin lui fit le récit fidèle des événements dont il
avait été le témoin. Merlin fut grandement satisfait de la confiance qu’il
avait mise en Urfin, puis il alla trouver le roi Uther pour lui annoncer
qu’Ygerne accoucherait le lendemain soir, après la tombée de la nuit.
« Écoute-moi bien, lui dit Merlin. Dès que l’enfant
sera né, il faut que la reine le confie à une servante en laquelle elle se fie
entièrement. Cette servante devra aller à la porte de la forteresse et remettre
l’enfant à l’homme qui s’y tiendra. Si tu n’agis pas de cette façon, il ne te
sera pas possible d’échapper au déshonneur, car non seulement tu trahirais la
parole que tu m’as donnée, mais tu répandrais la honte sur le front
d’Ygerne. » – « Sois tranquille, Merlin, dit le roi, je ferai tout ce
que tu m’as dit. »
Uther Pendragon se rendit près de la reine. « Douce
amie, lui dit-il, je te prie de faire ce que je vais te demander. » –
« Seigneur roi, je te fais confiance et je t’obéirai en tous
points », répondit Ygerne.
Le roi Uther était un peu embarrassé. Il savait bien qu’il
n’avait pas la conscience tranquille et redoutait qu’Ygerne refusât au dernier
moment d’abandonner l’enfant dont elle devait accoucher. « Dame, dit-il
enfin, c’est demain que tu dois
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