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La naissance du roi Arthur

La naissance du roi Arthur

Titel: La naissance du roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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il ne
manifesta aucune crainte, mais se mit à prononcer calmement des paroles
obscures qu’il était difficile de comprendre : « Sept vingtaines de
généreux guerriers sont partis vers les ombres. Sur le gué d’Arderyd ils ont
trouvé la mort. Des milliers de lances se sont choquées, une vapeur mortelle
s’est étendue sur la plaine sanglante, des milliers de guerriers ont été
taillés en pièces, des milliers de guerriers, rouges et puissants, ont traîné
leurs blessures par des chemins, des milliers de guerriers se sont enfuis, des
milliers de guerriers se sont retournés et sont partis de nouveau pour
combattre ! Affreux fut le carnage et terrible le tumulte ! Je sais
qu’un sceptre d’or récompensera les plus braves, ceux qui ont tenu tête aux
hommes du Nord ! J’ai bu du vin dans une coupe ruisselante de lumière, du
vin qui était peut-être du sang, j’ai bu du vin avec les chefs de la guerre
cruelle ! Merlin est mon nom, mais je ne peux plus le prononcer devant les
hommes ! »
    Le musicien s’assit devant Merlin. – « Que veux-tu
dire, homme de sagesse ? » demanda le harpiste. – « J’ai bu du
vin dans une coupe brillante, avec les chefs de la guerre cruelle. Merlin est
le nom qu’on m’a donné et que l’on connaîtra à travers les siècles. »
Merlin paraissait si las que le musicien ne lui posa aucune autre question. Il
se contenta de jouer, sur sa harpe, l’air bien connu du réveil, celui que l’on
joue après un festin, lorsque les convives sont plongés dans le sommeil de
l’ivresse. Merlin écoutait la mélodie, les yeux fermés. Et, brutalement, Merlin
se leva et cria : « Bientôt, le monde sera tel que, par suite des
guerres insensées que les hommes se livreront entre eux, les coucous mourront
de froid au mois de mai ! » Et Merlin se rassit au pied de son arbre.
    « Merlin, dit enfin le musicien, c’est ta sœur Gwendydd
et son époux, le roi Rydderch, qui m’envoient vers toi pour te saluer et te
dire qu’ils sont très malheureux de te savoir ainsi dans les bois, privé de
tout, dans le vent, dans le froid, sous la pluie de l’automne. Je t’en prie,
Merlin, sage devin, ne laisse pas ta sœur dans l’angoisse et viens avec moi
pour la rassurer ! » Merlin répondit : « Depuis que
Gwenddoleu est mort, aucun roi, aucun prince, aucun guerrier ne vient me rendre
hommage, et je n’ai plus aucune visite de celle qui est blanche comme un
cygne… » Le musicien comprit qu’il pouvait engager le dialogue avec
Merlin. Il répondit aussitôt : « Celle qui est blanche comme un cygne
te réclame, devin Merlin. Ne la laisse pas dans l’angoisse de te savoir ainsi
dans le dénuement, en proie aux rigueurs du soleil et de la pluie. »
    Merlin se releva et entoura de ses bras le tronc de l’arbre.
Et il dit : « Doux pommier qui surgit dans la clairière, toi dont le
feuillage se répand sur la terre, je prenais d’habitude mon repas à ton ombre,
à l’heure de midi, pour plaire à une fille que j’aimais. Oui, avant d’être
privé de ma raison, je venais souvent près de toi avec une fille charmante,
joyeuse, gracieuse. Mais, pendant dix et quarante ans, j’ai erré parmi les fous
et les insensés. Après avoir eu de grandes richesses, après avoir entretenu des
musiciens comme toi, voici que maintenant je n’ai plus que malheur et
folie ! » Merlin s’assit de nouveau au pied de l’arbre. « Viens
avec moi jusqu’à la cour du roi Rydderch, dit encore le musicien. Ta sœur
Gwendydd t’y attend et souhaite que tu viennes lui raconter tes
aventures ! » Merlin se mit à rire et dit : « Je suis sous
un pommier que les hommes de Rydderch ne voient même plus, bien qu’ils foulent
le sol autour de lui. Ils ne savent même pas que je suis là. Oui, je suis
Merlin le Sage, mais légère est ma raison couverte de nuages. Est-ce donc
irrémédiable d’avoir offensé le Seigneur, maître de toutes choses ? Si
j’avais su ce que je sais maintenant, comment le vent souffle librement sur la
cime ondoyante des arbres, jamais je n’eusse commis cette faute, car ma
pénitence est bien lourde. » – « Quelle pénitence ? »
demanda le musicien.
    « Écoute, petit pourceau qui joue de la musique pour me
faire croire que le monde a changé : la montagne n’est-elle pas
verte ? Mon manteau est très mince et je n’ai plus de repos. Mon visage
est pâle comme le versant de la montagne pendant l’hiver, mes cheveux se

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