La naissance du roi Arthur
Beli dans une expédition sur le
continent : les deux frères passèrent la mer et soumirent, les uns après
les autres, tous les peuples de la Gaule. Puis, avec une armée composée de
Bretons et d’Allobroges, ils franchirent les Alpes et entreprirent la conquête
de l’Italie, se dirigeant vers Rome et répandant la terreur sur leur passage [23] .
Voyant le danger qui menaçait leur pays, les consuls romains
envoyèrent des ambassadeurs pour proposer la paix. Après d’âpres négociations,
il fut convenu que les Romains s’engageraient à verser un tribut annuel. Beli
et Brân se retirèrent donc après avoir pris des otages et passèrent immédiatement
chez les Germains dans l’intention délibérée de conquérir toute l’Europe.
Alors, les Romains, honteux d’avoir accepté un traité fort humiliant pour eux,
levèrent des armées pour venir au secours des Germains. Mais Brân, au lieu de
poursuivre sa marche en Germanie, se retourna rapidement contre les Romains et
fut assez heureux pour les vaincre complètement. Et il établit son pouvoir sur
l’Italie en y faisant régner la terreur, tandis que son frère Beli, lassé des
guerres, retourna en Bretagne où il termina ses jours dans la paix et la
prospérité. Il laissait quatre fils, Lludd, Casswallawn [24] , Nynnyaw et Llevelys. C’est
Lludd qui prit le pouvoir avec sagesse et détermination. Il fit reconstruire de
nombreuses forteresses qui étaient en ruine dans le pays, et s’efforça de
procurer bonheur et prospérité à ses sujets [25] .
Il fit rénover également les murailles de Londres qui
menaçaient ruine, et les munit de tours innombrables. Puis il ordonna à tous
les habitants d’y bâtir des maisons telles qu’il n’y en aurait pas de plus
hautes dans tous les pays du monde. Et, quoiqu’il possédât de nombreuses
forteresses à travers tout le royaume, c’était celle-là qu’il préférait, et il
y passait le plus clair de son temps : c’est pourquoi elle fut appelée Kaer Lludd . C’était aussi un excellent guerrier,
mais qui répugnait à entreprendre une bataille, car il avait le souci de la vie
de ses sujets. Il était généreux, distribuant largement nourriture et boisson à
tous ceux qui venaient lui présenter des requêtes. Et celui de ses frères qu’il
préférait, c’était Llevelys, le plus jeune, parce que c’était un homme prudent
et sage.
Llevelys avait appris que le roi d’un peuple gaulois était
mort sans autre héritier qu’une fille, et qu’il avait laissé tous ses domaines
entre les mains de celle-ci. Or Llevelys, qui ne pouvait espérer régner sur la
Bretagne, eut l’idée de demander en mariage cette fille de la Gaule. Il alla
demander conseil à son frère, lui démontrant qu’il ne s’agissait pas seulement
d’un quelconque intérêt, mais aussi d’un accroissement d’honneur pour toute la
lignée. Son frère l’encouragea vivement à se présenter comme prétendant. Des
navires furent préparés et équipés de bons guerriers armés, et Llevelys partit
pour la Gaule. Il sut tant se faire aimer de la fille du roi, et se faire
respecter des sujets de celle-ci, qu’il fut bien vite accepté : il épousa
la jeune princesse et gouverna son domaine avec sagesse et modération.
Or, un certain temps après son départ, trois étranges fléaux
s’abattirent sur l’île de Bretagne, tels qu’on n’en avait jamais vus de
semblables. Le premier était une race particulière qu’on appelait les Corannieit [26] :
leur puissance était telle qu’il ne se tenait aucune conversation sur toute la
surface de l’île, si bas que l’on parlât, qui ne vînt à leurs oreilles, si le
vent l’apportait jusqu’à eux. Dès lors, il était impossible de leur nuire ou
d’entreprendre quoi que ce fût contre eux. Le second fléau, c’était un grand
cri qui se faisait entendre chaque nuit de premier mai [27] au-dessus de chaque foyer de
l’île de Bretagne : il traversait le cœur des humains et leur causait une
telle frayeur que les hommes en perdaient leurs couleurs et leurs forces, les
femmes leurs enfants dans leur sein, les jeunes gens et les jeunes filles leur
raison. Et la désolation s’installait dans le pays : les animaux, les
arbres, la terre et les eaux étaient frappés de stérilité.
Quant au troisième fléau, voilà en quoi il consistait :
on avait beau réunir des provisions dans les différentes cours du roi, même en
abondance, même pour une année de
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