La naissance du roi Arthur
Strasbourg, puis en
langue scandinave par un certain frère Robert. À la même date, Chrétien de
Troyes intégrait délibérément la légende armoricaine de Lancelot du Lac aux
aventures arthuriennes dans son Chevalier de la
Charrette , tandis que l’Allemand Ulrich von Zatzikhoven adaptait, dans
son Lanzelet , un original perdu mais
d’inspiration armoricaine, concernant la légende primitive de Lancelot. Vers
1180, Chrétien de Troyes plongeait plus avant dans la tradition arthurienne
insulaire, tout en la localisant en Armorique dans la fameuse forêt de
Brocéliande, avec son Chevalier au Lion . Puis
le même Chrétien, vers 1190, lançait le thème du Graal dans son Perceval, ou le Conte du Graal , œuvre inachevée qui
allait être suivie de trois continuations différentes. Mais le thème était dans
l’air, et tandis qu’un auteur occitan écrivait un Roman
de Jauffré , au schéma très voisin, un autre anonyme très lié à
Glastonbury composait un Perlesvaux bien énigmatique
et d’inspiration archaïsante, cependant très éloigné d’un récit gallois de Peredur qui doit représenter une tradition populaire
sur le même thème. Et, au début du XIII e siècle, l’Allemand
Wolfram von Eschenbach adaptait le roman de Chrétien dans son Parzival en y ajoutant des éléments ésotériques et
souvent d’origine orientale, et dont l’idéologie apparaît comme quelque peu
douteuse.
Parallèlement à ces œuvres, surgissait la tradition dite de
Robert de Boron, auteur de Franche-Comté, lui aussi très lié aux Plantagenêts
et à l’abbaye de Glastonbury. C’est probablement Robert de Boron qui a tissé le
lien entre le symbolisme païen du Graal et les textes apocryphes de la
tradition chrétienne. Il écrivit un Merlin en
vers où se dessinaient de nouvelles orientations. La plus grande partie de son
œuvre a été perdue, mais on en connaît le contenu grâce à des adaptations en
prose parvenues jusqu’à nous sous le nom de Huth-Merlin et sous celui de Didot-Perceval . Ce sont ces
différentes œuvres qui ont provoqué, vers la moitié du XIII e siècle,
la gigantesque fresque arthurienne du « Lancelot en prose »,
attribuée parfois à un certain Gautier Map, dont les plus beaux fleurons sont
la Quête du Saint-Graal et la Mort du Roi Arthur , constituant ce qu’il est
convenu d’appeler la version « cistercienne » de la légende.
Mais ce n’est pas tout. Le cycle du Graal et du roi Arthur
est comparable à une galaxie qui éparpille dans le cosmos des multitudes
d’étoiles de première grandeur autour desquelles, vibrantes et tournoyantes,
d’innombrables planètes accomplissent leurs mystérieux rituels. Le thème a fait
fureur. Dès le XII e siècle, des épisodes jaillis du plus profond de
la mémoire collective sont venus éclairer le schéma primitif, tant en français
qu’en anglais, en allemand, en italien, en occitan, en castillan, en gallois et
même en gaélique d’Irlande. Ces épisodes fragmentaires s’organisent autour d’un
héros clé, célèbre ou non, qui prend le relais des aventures et tente de les
mener à bon terme, dans la plus pure optique de cette utopie qui veut que le
monde soit régi selon des normes voulues et acceptées par tous. Ainsi en est-il
de Gauvain, le valeureux neveu du roi Arthur – et son héritier présomptif,
selon la coutume celtique –, personnage principal de contes significatifs comme le Chevalier vert ou l’Âtre périlleux (« le Cimetière
périlleux »), et encore de Lancelot du Lac, comme dans les Merveilles du Château de Rigomer , où d’ailleurs
le héros invincible est bellement démystifié, sans parler d’Yder de Northumbrie
(Édern), d’Yvain (Owein), fils du roi Uryen, cet étrange fils de la fée
Morgane, protégé par la fameuse « Troupe des Corbeaux » qui sont, en
fait, les femmes-fées compagnes de sa mère. Que d’aventures extraordinaires
autour de ces antiques divinités réduites au rang de héros surhumains ! Et
cela durera jusqu’au milieu du XV e siècle, en Angleterre, en pleine
guerre des Deux-Roses, avec la compilation anglaise de Thomas Malory qui porte
le titre français de la Mort d’Arthur ,
synthèse éblouissante, bien que très condensée, de toutes les traditions qui
ont constitué l’immense et inépuisable corpus de l’épopée du Graal et de la
Table Ronde.
C’est dire qu’une telle abondance de récits, tous
intéressants par eux-mêmes, mais parfois fort
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