La naissance du roi Arthur
le
pourrai, soit par mes conseils, soit par les dons que j’ai reçus à ma
naissance. »
« Merlin, dirent ensemble Emrys et Uther, nous ne
demandons qu’une chose : accepte notre amitié, et tu auras toute notre
confiance. » Merlin souriait. « Je dois vous poser quand même une
condition, dit-il. Si vous voulez conserver mon amitié, je vous prie de ne pas
prendre ombrage de mes absences, car je ne serai jamais constamment à vos
côtés, peu s’en faut. Et quand vous me chercherez, sachez que je le saurai,
mais que je ne viendrai pas forcément selon votre désir. Il m’appartiendra de
décider si oui ou non je dois intervenir. N’en ayez donc aucune amertume, car
ce n’est pas une attitude inamicale que de se refuser à ceux qu’on aime quand
on connaît les raisons précises de leur prière. Toutefois, je vous demande de
me faire bon accueil en public chaque fois que je reviendrai : les hommes
de bien me respecteront davantage et les méchants, ceux qui sont vos ennemis,
me prendront en haine et ainsi se démasqueront. Je dois aussi vous dire que,
sauf pour vous deux, et en privé, je ne modifierai plus jamais mon apparence,
sauf nécessité. Je me montrerai désormais à tous sous mon aspect naturel, et
ceux qui m’ont déjà vu autrefois me reconnaîtront et affirmeront bien haut que
je suis Merlin. »
Merlin se retira alors pour reprendre sa forme naturelle,
puis il se rendit près des anciens conseillers de Vortigern : dès qu’ils
aperçurent le devin, ils coururent tout joyeux annoncer son arrivée au roi.
Celui-ci, entrant dans le jeu, s’en montra tout heureux et s’en alla
solennellement à la rencontre de Merlin. Il l’accueillit avec force
démonstrations d’amitié et de respect et le conduisit dans sa demeure.
Aussitôt, les conseillers le prirent à part et lui dirent :
« Seigneur roi, tu as devant toi le plus sage des hommes, le meilleur
devin qui existe. Prie-le donc de te dire comment nous pourrons nous emparer de
la forteresse de Hengist et chasser définitivement nos ennemis du
royaume. »
Deux jours plus tard, Emrys réunit son conseil au grand
complet et, devant tous ceux qui étaient là, Emrys posa les questions qui lui
avaient été suggérées : comment prendre la forteresse de Hengist et
comment délivrer le royaume des Saxons ? Merlin répondit
immédiatement : « Seigneur, voici l’occasion de mettre ma sagesse à
l’épreuve. Il faut d’abord que vous sachiez que, depuis la mort de Hengist, les
Saxons sont tout à fait désorientés et qu’ils ne pensent plus qu’à quitter le
pays. Roi Emrys, envoie donc des messagers auprès d’eux afin de leur faire des
propositions de paix. Les Saxons leur répondront qu’ils sont prêts à te laisser
ce royaume qui était celui de ton père. Alors, tu les feras reconduire jusqu’au
rivage, et tu leur fourniras les navires nécessaires afin qu’ils regagnent leur
pays. »
Immédiatement, Emrys envoya des messagers auprès des Saxons.
Après avoir entendu ce que proposait Emrys, les Saxons se retirèrent entre eux
pour délibérer. « La mort de notre chef Hengist, se dirent-ils, nous a mis
dans une situation très difficile. Nous n’avons plus assez de vivres pour
continuer à soutenir un siège. Mais n’acceptons pas de partir tout de
suite : demandons au roi de nous concéder la forteresse en fief. De notre
côté, nous lui ferons hommage, et, chaque année, nous lui remettrons un tribut
de dix chevaliers, dix jeunes filles de famille noble, dix faucons, dix
lévriers et cent palefrois. » Ayant ainsi conclu leur conseil, les Saxons
vinrent donner leur réponse aux messagers et ceux-ci revinrent immédiatement
rendre compte de leur mission auprès du roi Emrys. Celui-ci demanda à Merlin ce
qu’il fallait penser des propositions des Saxons. « Ils veulent gagner du
temps, répondit Merlin. Tu dois exiger d’eux qu’ils évacuent la forteresse. Je
sais très bien qu’ils accepteront, car ils n’ont plus de vivres. Fais-leur dire
qu’en cas de refus aucune trêve ne leur sera accordée, mais que tu leur
fourniras tous les navires qu’il leur faudra pour quitter le pays.
Signifie-leur également qu’en cas de refus tu livreras au supplice tous ceux
dont tu pourras t’emparer. Mais ils ne discuteront pas, je peux te l’assurer,
et ils seront trop heureux de sauver ainsi leur vie, car, en ce moment, ils
sont persuadés que le siège va continuer et qu’ils mourront tous de faim et
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