La naissance du roi Arthur
conforme à la réalité voulue par Dieu ! Apprends
donc que chaque fois que tu poses une question, c’est que tu en possèdes la
réponse en toi-même, mais que tu n’oses pas l’exprimer. Je ne suis là que pour
t’aider à comprendre ce qui se passe en toi. Et puisque tu doutes encore,
soumets-moi à une épreuve. Voici ce que nous allons faire : je me suis
présenté à ton frère Uther sous l’aspect d’un vieillard et je l’ai ainsi averti
du danger qu’il courait du fait des intentions de Hengist. Mais il est le seul
à pouvoir le dire, puisqu’il n’y avait pas de témoin à cette entrevue. Or
maintenant, tu le sais, toi aussi, et il te sera facile de le vérifier auprès
de lui lorsque tu le rencontreras. Et lorsque tu seras aux côtés d’Uther, je
viendrai vous trouver tous les deux et je vous étonnerai encore. Ce sera dans
dix jours exactement : prends soin de ne pas quitter ton frère ce jour-là. »
Et, ayant ainsi parlé, Merlin quitta le roi Emrys et revint dans la forêt
auprès de l’ermite Blaise. Et il dit à celui-ci : « Emrys et son
frère Uther sont jeunes et pleins de fougue. Ils aiment la vie et ses plaisirs.
Si je veux les aider et gagner de leur part une amitié sincère et durable, je
dois flatter quelque peu leurs penchants et leur procurer des divertissements
plaisants et joyeux. Je sais qu’Uther est amoureux d’une femme très belle dont
il est également aimé. Et voici ce que je vais faire : je lui apporterai
de la part de son amie une lettre que tu vas me rédiger, et cela pour qu’il
croie à ce que je lui dirai en confidence. Ainsi donc, au jour fixé, je serai
près d’Uther et d’Emrys, mais sans qu’ils puissent me reconnaître, et le lendemain
je leur dirai qui je suis. Ils comprendront alors que je ne cherche pas à les
tromper et me feront confiance. »
Blaise fit ce que Merlin lui demandait, et, au jour dit,
Merlin s’en alla retrouver le roi et son frère sous les traits d’un serviteur
de l’amie d’Uther. Lorsqu’il aperçut Uther, il vint vers lui et lui dit :
« Seigneur, ma dame te salue et me prie de te remettre cette
lettre. » Uther prit donc la lettre avec grande joie, persuadé qu’il était
qu’elle venait de son amie, et il la fit lire par un clerc. La lettre
recommandait de faire pleine confiance à son porteur, et Merlin dit à Uther
tout ce qui pouvait lui faire le plus de plaisir. Il resta ainsi avec le roi et
son frère jusqu’au soir. Uther traita fort bien le messager et se réjouit toute
la journée de ce que sa dame lui avait fait dire. Mais le soir venu, Emrys
s’étonna de ne pas avoir vu Merlin, car celui-ci lui avait promis de venir. Et
quand le messager se fut retiré, les deux frères eurent ensemble une longue
conversation.
C’est alors qu’Uther raconta à Emrys les circonstances de la
mort de Hengist et qu’il lui révéla la visite d’un vieillard qui l’avait averti
de la traîtrise du chef saxon. À ces paroles, Emrys comprit que Merlin lui
avait bien dit la vérité à ce sujet. Cependant, Emrys voulait en savoir
davantage. Il demanda à son frère : « Mais qui était donc ce
vieillard qui t’a sauvé la vie ? » Uther lui répondit :
« Par la foi que je te dois, mon frère, je ne le connais pas, mais je peux
te dire que c’est un homme plein de sagesse et tout à fait respectable. Ce
qu’il m’a raconté me semblait parfaitement absurde, mais quelque chose m’a
poussé à le croire, et si je ne l’avais pas cru, si je ne m’étais pas tenu sur
mes gardes, c’est Hengist qui m’aurait tué. » Emrys reprit : « Saurais-tu
reconnaître ce vieillard s’il se présentait de nouveau ? » –
« Certes, répondit Uther, mais j’ignore non seulement qui il est, mais
encore où il se trouve ! » À ce moment, un serviteur vint prévenir
Uther qu’un homme très âgé, l’air distingué et honorable, demandait à lui
parler. « Je suis sûr que c’est Merlin ! s’écria Emrys. Mon frère,
reçois-le en privé, et viens me chercher si tu reconnais l’homme qui t’a sauvé
la vie. »
Uther le lui promit et se rendit dans sa tente. Le vieillard
était là, qui le salua, et Uther en eut une grande joie. Ils parlèrent d’abord
de choses et d’autres, comme il est d’usage en pareil cas, puis Uther dit à
Merlin : « Qui que tu sois, je te dois d’être encore en vie
aujourd’hui. Sois donc béni, vieil homme. Mais quelque chose me trouble :
il me semble que mon
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