La naissance du roi Arthur
Bretagne [64] . »
Cependant, Uther Pendragon s’inquiétait de n’avoir pas de
nouvelles de Merlin. Il l’avait fait chercher à travers la forêt de Kelyddon,
sans aucun succès. Personne n’avait vu Merlin depuis de longs mois, et Uther,
qui se trouvait confronté à de nombreuses révoltes de la part de certains de
ses vassaux, aurait eu bien besoin des conseils du devin. Mais les hommes de
confiance qu’il avait envoyés un peu partout revenaient l’un après l’autre sans
pouvoir révéler autre chose que le récit de leurs aventures. Un jour, l’un
d’eux, qui avait nom Kynon, fils de Klydno, raconta pourtant une étrange
histoire devant le roi et ses principaux conseillers. Voici ce que Kynon narra
à ses compagnons :
« Quand je suis parti à la recherche de Merlin, et
après avoir fait mes préparatifs, j’ai voulu aller plus loin que les limites de
ce pays. J’ai donc traversé la mer et j’ai abordé dans cette région qu’on
appelle encore parfois l’Armorique, mais qui est la Petite-Bretagne. J’errai
dans une grande forêt qui recouvre presque toute la péninsule, une forêt dense
et touffue, riche en gibiers de toutes sortes, avec des vallées bien arrosées
et des collines où soufflent abondamment les vents venus des quatre coins de
l’horizon. Je traversai des landes et des déserts, je me plongeai dans la
profondeur des bois, mais je ne rencontrai que des forestiers ou des pasteurs
qui menaient leurs troupeaux. Il n’y avait ni village ni forteresse, mais des
cabanes isolées où vivaient de pauvres gens qui avaient beaucoup de mal à
trouver leur nourriture. Je me croyais vraiment aux extrémités du monde.
À la fin, je m’engageai dans un vallon, le plus beau du
monde, couvert d’arbres très verts et de taille bien égale, et qui était
traversé dans toute sa longueur par une rivière aux eaux rapides et bruyantes.
Un chemin longeait la rivière. Je le suivis tranquillement jusqu’au milieu du
jour et, passant de l’autre côté de l’eau, je poursuivis ma route jusqu’à la
neuvième heure. Je me trouvai alors dans une vaste plaine, à l’extrémité de
laquelle se dressait une forteresse étincelante, dont la base était baignée par
les flots. C’est vers elle que je me dirigeai. Lorsque je parvins à la porte,
deux jeunes gens aux cheveux blonds frisés se présentèrent à ma vue. Ils
portaient chacun un diadème d’or et leur vêtement, très ample, était d’une
remarquable étoffe brodée d’or. Ils portaient des arcs d’ivoire dont les cordes
étaient des nerfs de cerf. Leurs flèches dont les hampes étaient en os de
baleine avaient des bardes de plumes de paon. La tête des hampes était en or.
La lame de leurs couteaux était également en or et le manche en os de baleine.
Ils étaient en train de s’exercer à lancer leurs couteaux sur le tronc d’un
gros arbre qui se trouvait devant l’entrée de la forteresse.
À peu de distance de ces jeunes gens, j’aperçus un homme aux
cheveux blonds frisés, dans toute sa force, la barbe fraîchement rasée, l’air
noble et fier. Il était vêtu d’une longue robe et d’un manteau d’étoffe brodée
d’or. Il avait aux pieds des souliers élégants faits du cuir de la meilleure
qualité, fermés chacun par un bouton d’or. Dès que je l’aperçus, je m’approchai
de lui dans l’intention de le saluer, mais c’était un homme d’une telle
courtoisie que ce fut lui qui se leva pour me saluer. Et il m’invita
aimablement à le suivre dans la forteresse.
À l’intérieur, je vis qu’il n’y avait d’autres habitants que
ceux qui se trouvaient dans la grande salle. Là se tenaient vingt-quatre jeunes
filles en train de coudre de la soie auprès de la fenêtre, et je ne crois pas
me tromper en disant que la plus laide d’entre elles était la plus belle de
toutes les jeunes filles que j’ai pu voir jusqu’à présent dans toute l’île de
Bretagne. À mon arrivée, elles se levèrent et me saluèrent. Six d’entre elles
prirent mon cheval et se chargèrent de mes armes pour aller les laver dans un
bassin dont la blancheur était éclatante. Un autre groupe mit des nappes sur
les tables, et six autres me débarrassèrent de mes vêtements de voyage, m’en
donnant d’autres, confortables et richement ornés. On étendit sur le sol de
nombreux coussins recouverts de fine toile rouge, et tout le monde s’assit. On
apporta alors des aiguières d’argent pour nous laver et des
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