La naissance du roi Arthur
m’avoir averti, je pris le
bassin, puisai de l’eau dans la fontaine et la répandis sur la dalle de pierre.
J’étais curieux de voir ce qui allait se produire, et je dois dire que cela fut
très inattendu.
C’était un très beau jour d’été. Le soleil brillait de toute
sa splendeur et le ciel était plus pur et plus bleu que la plus bleue des mers.
Mais à peine avais-je fini de répandre l’eau sur la dalle que le ciel se
couvrit brusquement de nuages noirs et que le tonnerre se fit entendre. Et
après le bruit, ce fut la pluie, une pluie de tempête, avec des rafales de vent
comme je n’en avais jamais encore vues. Le temps devint si affreux et la foudre
tombait avec tant de violence que je pensai cent fois être tué dans cette
tourmente. En plus de la pluie, il y avait de la grêle, et pas un grêlon
n’était arrêté par les branches, par la peau ou par la chair : cela
pénétrait jusqu’aux os et j’en étais tout meurtri. Je ne trouvais aucun abri,
même sous le pin que je croyais capable de protéger de toute pluie. Je m’étais
replié sur moi-même de façon à en avoir le moins de mal possible, mais rien n’y
faisait. À la fin, je compris que la tempête s’apaisait et je levai la
tête : il n’y avait plus une feuille aux arbres, et tout paraissait désolé
autour de la fontaine. Et, aussi vite que la tempête s’était déchaînée, elle se
calma et le ciel redevint aussi pur et aussi bleu qu’il l’était quelques
instants plus tôt. Les vents avaient cessé de souffler, et le soleil se remit à
chauffer, ce qui n’était pas négligeable car j’étais tout trempé et je
grelottais de froid.
Mais le prodige n’était pas terminé. Dès que la tempête eut
cessé, je vis des multitudes d’oiseaux parcourir le ciel et se poser sur
l’arbre qui dominait la fontaine. Ils étaient si nombreux sur cet arbre qu’on
ne pouvait même plus en voir les branches, et l’arbre en paraissait d’autant
plus beau. Quant aux oiseaux ainsi rassemblés, ils se mirent à chanter, et leur
chant était si mélodieux que je ne pense pas avoir entendu quelque chose de
plus mélodieux. Chacun des oiseaux suivait en effet sa propre partie, et
l’ensemble était si parfait qu’on pouvait se demander si ce n’était pas une
musique céleste. J’étais plongé dans le ravissement et je ne pouvais m’empêcher
d’oublier le froid et l’humidité, ne pensant plus qu’à la douce lumière du
soleil qui me redonnait vie, qui asséchait mes vêtements trempés et qui me
lavait de toutes mes fatigues. Celui qui n’a pas entendu un tel chant ne saura
jamais le bonheur qu’on peut ressentir à écouter les harmonies venues du ciel.
Au moment où je prenais le plus de plaisir à écouter les
oiseaux, des plaintes et des cris montèrent le long de la vallée, à travers les
arbres, et une voix qui paraissait surgir de nulle part parvint jusqu’à
moi : « Homme imprudent, que me veux-tu ? Quel mal t’ai-je
infligé pour que tu me fisses à moi et à mes sujets le tort que tu as
provoqué ? Ne sais-tu pas que la tempête n’a laissé en vie, dans ces
parages, ni créature humaine ni créature animale surprise au-dehors ? Même
les feuilles des arbres ont été balayées par le vent et la pluie, et cette
terre est devenue stérile par ta faute ! »
C’est alors que se présenta devant moi, sur un cheval tout
noir, un cavalier long et maigre qui était revêtu d’un grand manteau également
noir. En chevauchant, il faisait un tel bruit que j’eus l’impression qu’une
nombreuse troupe l’accompagnait, mais je vis qu’il était seul et que c’était le
choc de ses armes qui provoquait un tel vacarme dans la forêt. Il se présenta
devant moi et me défia, la lance relevée. Je n’eus que le temps de sauter sur
mon cheval et de répondre à sa provocation. Le choc fut rude, et j’eus beau
tenter de me défendre, je fus bientôt culbuté. Le cavalier noir passa alors le
fût de sa lance à travers les rênes de mon cheval et s’en alla, me laissant
bien penaud et sans monture. Il ne me fit même pas l’honneur de m’emmener en
tant que prisonnier. Il ne me dépouilla pas de mes armes non plus : il se
contenta de m’abandonner dans cette forêt. »
Ainsi parla Kynon, fils de Klydno, l’un de ceux qu’Uther
Pendragon avait envoyés dans tout le royaume pour tenter d’avoir des nouvelles
de Merlin. Uther avait écouté avec attention le récit qu’avait fait Kynon. Il
lui
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