Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
parliez d’enfer, on dirait qu’il s’est déjà déchaîné sur notre pauvre navire. Quel massacre ! Où est Tancrède ?
    Les hurlements s’étaient tus, faisant place à des plaintes et à des gémissements. À l’énoncé du nom de son protégé, les mains de l’Oriental se crispèrent, mais il entendit sa voix qui appelait Bjorn.
    — Aidez-moi ! hurlait Tancrède. Je n’arrive pas à le dégager.
    Bjorn de Karetot se précipita vers lui, enjambant les décombres. Un des rameurs gisait sous la tête du mât. Livide, il râlait et ses jambes faisaient un angle impossible avec son torse.
    — Je vais le prendre sous les aisselles et, à mon signal, vous soulèverez.
    Bjorn acquiesça d’un signe de tête et se pencha pour saisir l’énorme morceau de chêne.
    — Prêt ! jeta-t-il.
    — On y va !
    D’un coup de reins, Bjorn redressa la hune de quelques centimètres alors que Tancrède tirait le blessé. Sous l’effort, le jeune homme tomba en arrière, entraînant le marin avec lui. Il allait se redresser quand la tête de l’autre roula au creux de son épaule. Incrédule, Tancrède le secoua. L’homme poussa un faible soupir. Ses yeux se révulsèrent, il était mort.
    Le Normand resta un moment immobile, incapable de faire autre chose que de serrer le cadavre comme s’il pouvait encore lui donner de sa chaleur. Son ardeur guerrière s’était envolée. Il entendait les cris de souffrance, les lamentations, et avait envie de hurler de rage et d’impuissance. Pour la première fois de sa vie, il comprenait que son sentiment d’immortalité n’était qu’un leurre, que lui aussi aurait pu être là, mutilé ou mort.
    — Il était trop tard pour celui-là, fit Bjorn qui s’était approché. Il avait les deux jambes brisées, la douleur a eu raison de lui. Venez, messire. On a besoin de nous. Il faut libérer le pont avant que le dromon ne repasse à l’attaque.
    Incapable de répondre tant sa gorge était nouée, Tancrède regarda autour de lui : des éclats de pierre et de bois parsemaient le pont, frère Dreu entourait d’un morceau de sa robe le bras sanguinolent du maître de nage qui continuait à crier ses ordres. Les blessés étaient nombreux, mais la plupart d’entre eux étaient restés à leurs postes. Le Normand desserra son étreinte et se mit debout, allongeant le cadavre le long du plat-bord et le recouvrant de sa cape.
    — Écartons-nous davantage, messire, supplia le capitaine, mon pauvre navire n’est déjà plus que l’ombre de lui-même.
    — Laissez-moi le temps de réarmer l’arbalète, répondit froidement l’Oriental. Et manœuvrez pour gagner le flanc tribord. On va rejoindre l’esnèque. Reprenez votre i place, Eleonor !
    La jeune femme se baissa pour ramasser son arc, rajusta la bandoulière de son couire et saisit une flèche qu’elle glissa dans son encoche.
    — Toi aussi, Bertil.
    Le visage blême, le cœur soulevé par une violente nausée, l’enfant se força à obéir.
    Corato, priant qu’aucun boulet ne les frappe, appuya sur la barre. Le knörr, après avoir décrit un large cercle, revint vers la galère ennemie.
    — La Madone m’a entendu ! s’écria soudain le capitaine byzantin. Nous avons un moment de répit. Regardez !
    Sur le dromon, les machines de guerre demeuraient muettes. La voile coupée de ses attaches était restée accrochée au bordage et le feu, après s’être propagé le long du mât, courait sur les cordages. Les marins essayaient d’affaler la seconde voile où déjà dansaient des flammèches. Le gouvernail était encerclé par l’incendie et les cris d’agonie des hommes de barre leur parvenaient. Seuls se trouvaient encore intacts le château avant et la proue où se dressait la silhouette du ra’is.
    — Ils vont se transformer en brûlot, prédit Hugues de Tarse.

 
    17
    Toujours debout sur le bras de l’ancre, Magnus le Noir frappait la coque. La brèche qu’il y avait percée n’était pas encore suffisante pour un homme de sa corpulence, mais il s’était aperçu qu’elle ouvrait sur un réduit empli de cordages et de toiles goudronnées. Le bras endolori, il s’arrêta un moment pour souffler et regarda derrière lui. L’esnèque se rapprochait.
    « Bientôt, songea-t-il, mes guerriers pourront me rejoindre et nous écrirons un nouveau chant. »
    Une terrible odeur de brûlé descendait jusqu’à lui, cependant il ne pouvait voir ce qui se passait sur le pont et il se remit à

Weitere Kostenlose Bücher