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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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moment à ma disposition deux magnifiques navires américains   : le Pyke et le Ludlow qui, par suite de la paix récemment conclue, se trouvent à mes côtés, au bas de la Gironde, tout prêts à faire voile pour les États-Unis. Tous deux ont, par leur rapidité extraordinaire, échappé, comme corsaires, à toutes les croisières anglaises pendant la dernière guerre. Je les emmènerai avec moi, et s’il le faut, je mettrai l’Empereur à bord de l’un des deux. En cas de rencontre je me dévouerai avec la Bayadère et l’Infatigable pour barrer le passage à l’ennemi   : je suis sûr de l’arrêter, quelque supérieur qu’il puisse être. »

 
    Journée du 7 JUILLET
    « Je crois que la nature m’avait calculé pour les plus grands revers, ils m’ont trouvé une âme de marbre. »
    N APOLÉON
    Et le soleil se leva sur le septième jour. Soleil biblique, soleil africain, soleil incandescent, soleil tournesol des tropiques, soleil qui poudroie sur la terre en feu, dessèche les graminées, recuit les feuilles, assèche les cœurs et les sources. Et qui cache dans ses fuseaux le mal mystérieux dont parlaient à mi-voix les médecins de la marine, « ce malaise saisonnier qui se manifeste pendant les périodes de grande chaleur {72}   ».
    Rochefort est devenu fournaise. Air inerte, lumière embrasée, pesanteur tropicale et porteuse de vapeurs humides. La soif est dans toutes les bouches, la sueur inonde toutes les peaux. On signale à la préfecture vingt cas de « malaises de chaleur ».
    « Je change de linge trois fois par jour », écrit Mme Besson à son père.
    Élevée dans les neiges baltiques elle a renoncé à affronter l’étuve des pavés brûlants. « Je ne sors plus de chez moi, même la tonnelle est étouffante. Je n’ai le choix qu’entre l’ombre des arbres du jardin et la fraîcheur du cellier. Je vis les volets clos un éventail à la main. Je pense que les déserts d’Afrique ne sont pas plus pénibles et plus suffocants... Je pense aux matins glacés sur le Grand Belt quand nous étions petits et que tu nous emmenais sur la mer prise dans les glaces... »
    Le lieutenant de vaisseau Jean Victor Besson a demandé audience à M. de Bonnefous, préfet maritime.
    —  Monsieur le préfet, ma femme est malade, j’ai encore besoin d’un congé personnel. Vous savez qu’elle est nordique. Elle supporte très mal cette chaleur. Elle a dû s’aliter...
    Bonnefous sourit   :
    —  Je suis désolé du malaise de Mme Besson ; j’espère qu’elle se remettra, mais je crois que vous venez me parler aussi de la santé de la Nation...
    Besson rougit   :
    —  Monsieur le préfet, je dois aussi vous dire...
    —  Lieutenant, il est de mon devoir de connaître les activités de mes officiers, n’est-ce pas ? Non seulement je donne mon consentement à votre entreprise, mais je vous demande de vous conformer aux volontés de l’Empereur et de le transporter si besoin est de la Saale sur le Magdalena. Je ne vous dirai qu’une chose   : il faut réussir dans votre mission.
    —  Je ferai l’impossible, monsieur le préfet, mais j’ai un conseil à vous demander.
    —  Je vous écoute.
    —  Vous savez ce qui est arrivé à Marcereau   ?
    Bonnefous tend l’oreille et feint l’ignorance.
    —  Marcereau, le gendre du colonel   ?
    —  Oui, monsieur le préfet. Il s’est abouché avec le capitaine d’un contrebandier américain à Bordeaux. Il a acheté le navire et sa cargaison. Il a tout prévu pour l’évasion. Il a organisé lui-même les relais de chevaux frais. Mais il avait décidé, pour éviter que l’affaire ne s’ébruite, de ne confier son projet qu’à l’Empereur seul. En tête à tête. Alors il s’est heurté à l’Étiquette. Il n’a pas pu forcer le barrage dressé par le général Gourgaud. Et je sais que Gourgaud est hostile au projet de départ en Amérique.
    —  Lieutenant, c’est moi qui suis chargé de vous faire savoir la date décidée par Sa Majesté.
    —  Il ne faudrait pas trop tarder, monsieur le préfet.
    —  ... Ah   ! je vous envie, vous allez entrer dans l’Histoire. Et quand vous reviendrez en France, je vous demanderai un récit complet du voyage. Pour mes archives personnelles. Et si j’ai encore quelque pouvoir, vous serez capitaine de vaisseau avant la fin de l’année. Ah, j’oubliais, l’Empereur vous reçoit ce soir...
    Napoléon était debout à la fenêtre, les yeux fixés sur le jardin. Il

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