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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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l’âge et la corpulence de Votre Majesté. Si Votre Majesté consent à assumer ce rôle les premiers jours de la traversée, nous pouvons appareiller demain. J’ai une grande maison à Boston. Je vous l’offre.
    L’Empereur n’avait pas sourcillé.
    —  Je suis bien conscient, balbutiait Wilder, que ce déguisement peut apparaître humiliant à Votre Majesté. Mais quand l’honneur et la liberté sont au bout du voyage... Nous avons pensé avec ma femme que vous pourriez rassembler en Amérique tous les membres de votre famille et tous ceux qui s’apprêtent à émigrer, pour en faire le noyau d’une communauté nationale. Une seconde France en quelque sorte... Vous auriez bientôt autour de vous des dizaines de milliers d’hommes et de femmes présentant du talent, de l’information et de la fortune... L’Amérique tout entière est prête à vous aider dans cette entreprise {73} .
    —  Je suis très touché, monsieur Wilder. Votre proposition me touche et me séduit. Revenez me voir demain.
    L’honorable Sys Wilder se leva, cramoisi.
    —  Sire, toute ma fortune et celle de mes amis sont à votre disposition.
    —  Eh bien, Beker, qu’en pensez-vous   ? Après avoir été votre majordome dans la calèche, je peux devenir le valet de M. Sys Wilder sur le bateau. Les moyens de transport changent, mais l’emploi demeure. Il faudra quand même revoir ce brave homme. Ce qu’il me dit touchant l’accueil qui nous attend à New York est digne de considération.
    À l’étage inférieur, le préfet Bonnefous dévore la longue lettre du commandant Baudin.
    —  Écoutez ça, Kerogal   :
    J’ai d’ailleurs un moyen à peu près infaillible de détourner l’attention de la croisière ennemie et de dégager l’embouchure de la rivière. Il n’existe qu’un seul cordon de croiseurs   ; ce cordon une fois franchi, nous aurons la mer libre. Que l’Empereur se hâte donc de venir, dans le plus grand secret, avec le moins de suite et le moins de bagages possible, je l’emmènerai aux États-Unis. Il peut se fier à moi. J’ai été opposé de principes et d’action à sa tentative de remonter sur le trône, parce que je la considérais comme devant être funeste à la France, et certes, les événements n’ont que trop justifié mes prévisions. Aujourd’hui il n’est rien que je ne sois disposé à entreprendre pour épargner à notre patrie l’humiliation de voir son ancien souverain tomber entre les mains de notre plus implacable ennemi. Ily a seize ans mon père est mort de joie en apprenant le retour d’Égypte du général Bonaparte   ; je mourrais moi-même aujourd’hui de douleur de voir l’Empereur quitter la France, si je pensais qu’en y restant il pût encore quelque chose pour elle. Mais il faut qu’il ne la quitte que pour aller vivre honoré dans un pays libre — non pour mourir prisonnier de nos rivaux. Comptez donc sur moi, monsieur le baron, et agréez l’assurance de tout mon respect. »
    —  Je vais aller moi-même remettre cette lettre à l’Empereur. Je crois qu’il est sauvé.

 
    Journée du 8 JUILLET
    « Il y avait dans le port un traître qui par des signaux avertissait les ennemis de la présence de l’Empereur. »
    Honoré de BALZAC Le Médecin de campagne
    6 heures du matin
    Le ciel de l’aube est d’une blancheur grise de sel gemme. Une chaloupe glisse sur la mer assoupie. Le général Gourgaud fait force de rames vers la Saale.
    —  Les vents contraires se maintiennent, dit Philibert, il faut renoncer à l’idée de sortir sans combattre. Et le combat serait sans merci   : deux navires de guerre anglais, le Slaney et le Myrmidon ont rejoint le Bellerophon.
    Lorsque Gourgaud revient à la préfecture, les serviteurs sont occupés à déménager les caisses. L’Empereur, sans attendre son retour, a donné l’ordre de départ.
    Les calèches quittent la préfecture par la rue Saint-Charles au grand trot. La foule garnit déjà les rues. La place Colbert fourmille de curieux. Les voitures — stores baissés — s’engouffrent sous la voûte du port de Rochefort et s’éloignent par la grande rue du faubourg.
    La population de la ville s’est massée sur les rives de la Charente où doit passer le cortège. Des bourgeois, des marins, des dames en robe de gala, des boutiquiers en tablier bleu qui ont déserté leurs échoppes, et les enfants leurs écoles. Les voitures du cortège cahotent sur le pavé derrière la berline.
    On croit

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