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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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    —  L’Ange de la guerre, balbutia-t-il... Ce n’est plus de la servilité, c’est de la caricature.
    Et il voyait s’encadrer dans la fenêtre, assis sur une estrade décorée au centre de la kermesse une truie rose enrubannée de cordons et de commanderies   : le roi podagre.
    —  La France préfère donc Basile à Prométhée, dit-il à haute voix.
    « Il fera le bonheur de la France par l’oubli généreux et absolu de tout le passé, en effaçant les traces de toutes les haines et de toutes les dissensions et en respectant les droits de tous. »
    Il tourne la page. Derrière le bric-à-brac des cires lustrales, des eaux bénites, des flonflons et des plumeaux, les menaces de mort se lisaient à livre ouvert.
    « Le sang de mes enfants a coulé par une trahison dont les annales du monde n’offrent pas d’exemple. Je dois donc excepter du pardon les instigateurs et les auteurs de cet horrible drame... Ils seront désignés à la vengeance des Français... »
    L’homélie du roi semblait le prélude aux tribunaux d’exception. Et on pouvait voir fleurir entre ses lignes les fusils des pelotons d’exécution.
    —  Ah   ! et voilà pour moi   :
    « On a jugé bon de faire rester à Rochefort les deux frégates qui attendaient Buonaparte. Pour donner le change à la croisière anglaise, on s’est hâté d’armer une corvette et un aviso, et c’est à bord de ces bâtiments que Buonaparte essaie de s’esquiver. La justice divine et la justice humaine le poursuivent. Il faut espérer qu’il n’échappera pas. »
    Et deux lignes plus bas l’annonce de la nomination de l’exécuteur des basses œuvres, le marquis de Joncourt.
    —  Gourgaud...
    Gourgaud mesurait d’un seul regard les ravages effectués par la lecture des journaux de Paris. Napoléon, la respiration oppressée, se tenait le cœur à deux mains comme à chaque crise d’étouffement.
    —  Sire, je peux les enlever   ?
    —  Brûlez-les. Et puis non, faites-les lire à nos compagnons. Il faut qu’ils sachent...
    Il ravalait péniblement sa salive   :
    —  Vous avez vu Joncourt   ? Dire que c’est moi qui l’ai fait rentrer en France quand il était en exil et que j’étais Premier Consul. Moi qui l’ai fait nommer intendant du roi Joseph... Savez-vous que Joncourt ne compte pas un seul jour de présence sur un champ de bataille. Aujourd’hui il troque le baptême du feu pour la communion avec Fouché. Et le voilà promu grand intendant, lieutenant général, ministre de la Marine. Et savez-vous pourquoi ministre de la Marine   ?
    —  Je devine, sire.
    —  Parce que c’est lui qui va nous prendre en charge. Et à l’heure où je vous parle les assassins mandés par Joncourt sont déjà en route pour Rochefort. Écoutez-moi bien, Gourgaud, il faut les prendre de vitesse. Nous n’avons plus le choix, il faut partir demain.
    —  Sire, le capitaine Besson vous attend dans le grand salon.
    —  Faites-le monter.
    —  Eh bien, lieutenant, vous semblez bien agité   ?
    —  Sire, cette nuit nous avons échappé de justesse à la mort.
    —  Comment cela   ?
    —  Votre Majesté sait que tous les points de l’île sont parfaitement gardés. Et moi j’ai fait doubler la garde face à l’ancrage du Magdalena. J’ai prévu le point de notre embarquement à cinquante mètres d’un poste de marins. J’ai demandé au grand maréchal Bertrand d’avertir les marins de ne prêter aucune attention aux bruits qu’ils ne manqueraient pas d’entendre entre 10 heures et 11 heures. Nous avons donc transporté les malles, les armes et les caisses sans nous soucier de nous cacher. Nous parlions à voix haute. Sans méfiance. Mais à peine avions-nous déposé les premières caisses à bord qu’une fusillade éclatait à trente mètres de nous. Les salves trouaient notre barque comme une écumoire. J’ai crié aux hommes de se jeter à plat ventre, les balles sifflaient autour de nous et une de ces balles a transpercé l’épaule d’un de mes Danois. J’ai sauté du canot et j’ai couru vers les fusilleurs à travers une grêle de balles en criant   : « Arrêtez, c’est une erreur... » Là j’ai appris que le grand maréchal avait omis de les prévenir et qu’ils nous avaient pris pour des Anglais. Ils ont pansé le blessé et se sont excusés. Maintenant, tout est en ordre, sire, les dieux sont avec nous, les vents sont favorables...
    Napoléon continue à grappiller des miettes de tabac

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