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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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immédiat de l’Empereur.
    Fouché explosait   :
    —  Bon Dieu   ! Est-ce qu’il se moque de nous   ! Nous savons trop comment il tiendrait ses promesses si nous acceptions ses propositions. À cette heure-ci il est peut-être en train de haranguer ses soldats. Et vous, général, vous m’étonnez, comment avez-vous pu assumer une telle démarche   ? Vous avez reçu pour mission de hâter le départ de l’Empereur, cela dans l’intérêt de sa propre sécurité. L’ennemi est prêt à entrer dans Paris.
    Beker restait muet, incrédule.
    —  Vous ne me croyez pas   ? dit Fouché. Voulez-vous lire le rapport des généraux. Le voilà.
    Il poussa les feuillets devant Beker. Et d’un ton soupçonneux   :
    —  Quand l’Empereur vous a chargé de ce message, était-il seul   ?
    —  Non, dit Beker.
    —  Qui l’entourait   ?
    —  Madame Mère, le cardinal Fesch, le duc de Rovigo.
    —  Je vois, coupait Fouché. (Il ébauchait son sourire venimeux.) Je vois d’où coule la source de votre mission. Ceux qui conseillent Napoléon n’ont pas les éléments qui permettent de juger sainement de la situation. Et d’un ton sans appel   : Retournez immédiatement à Malmaison, général, et dites à l’Empereur que ses offres sont rejetées, qu’il est de la plus grande urgence qu’il parte immédiatement. Cela pour sa sécurité.
    —  Vous pouvez me confirmer cet ordre par écrit   ?
    —  Je vais vous remettre un billet pour le duc de Bassano. Il griffonna au galop   :
    « Le gouvernement provisoire ne pouvant accepter les propositions que le général Beker vient de lui faire de la part de Sa Majesté, pour des considérations que vous saurez apprécier vous-même, je vous prie, monsieur le duc, d’user de l’influence que vous avez constamment exercée sur son esprit, pour lui conseiller de partir sans délai, attendu que les Prussiens marchent sur Versailles. »
    Tandis que la plume d’oie de Fouché galopait sur le papier, les membres de la Commission, le nez obstinément baissé sur leurs dossiers, évitaient de regarder Beker. Sa présence pesait à ces figurants de tragédie surpris dans l’exercice muet de leur figuration. Seul, Lazare Carnot avait quitté son siège et, les bras croisés, le front rejeté, regardait obstinément par la fenêtre.
    —  Pas une fois, dira Beker, un seul d’entre eux n’aura osé élever la voix.
    Ils semblaient convoqués pour assurer le quorum de la Commission. Ils étaient devenus des pions que Fouché poussait et retirait suivant les figures du jeu.
    Beker leur serra la main en silence et Caulaincourt le raccompagna jusqu’à sa voiture, comme pour s’excuser.
    Malmaison grouillait comme une caserne un matin de mobilisation. Le grand écuyer, M. de Montaran, activait les équipages, caracolant dans les allées. On inspectait les sangles, les fers des chevaux, les chabraques, les fontes et les portemanteaux. Un sergent amenait des écuries le cheval blanc de l’Empereur. Tout harnaché.
    —  Où conduisez-vous ce cheval   ?
    —  L’Empereur l’a choisi pour rejoindre l’armée.
    —  Attendez un instant, dit sèchement Beker, je reviens.
    Il court chez l’Empereur, trouve un Napoléon à la fois souriant et tendu, déjà botté, harnaché, prêt au combat.
    Beker lui rapporte d’une haleine la scène singulière dont il a été le témoin affligé, les pleins pouvoirs de Fouché, la résignation des autres. Et leurs révélations   : l’ennemi est aux portes de Saint-Germain.
    Napoléon l’écoute en silence et froisse le billet de Fouché.
    —  Ces gens-là ne connaissent pas à quoi ils s’engagent en refusant ma proposition. On en reparlera. Donnez les ordres pour le départ. Nous voyagerons en tête à tête dans la chaise de poste, puisque je suis désormais votre secrétaire.
    —  J’ai fait préparer une calèche à Votre Majesté.
    3 heures de l’après-midi — Barrière de Vincennes
    Un tonnerre lointain sur la barrière de Vincennes. Un tonnerre qui vibre, vole, gronde comme un orage nourri de milliards d’ailes d’abeilles en colère. L’orage se rapproche et livre ses éclairs et ses foudres. C’est une armée au galop dont les casques, les cuirasses et les sabres dévalent dans un carrousel étincelant. Leur galop se canalise autour des fossés de Vincennes. Et devant les sentinelles ahuries, un cavalier frénétique aux épaulettes dorées – sueur, écume et poussière – maîtrise son cheval

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