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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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qu’Otsū
doit me haïr aujourd’hui... pourtant, je me demande ce qu’elle est devenue. »
Dans l’état où il se trouvait, penser à son ancienne fiancée était son seul
réconfort. Quand il avait fini par se rendre compte de la véritable nature d’Okō,
il s’était remis à soupirer pour Otsū. De plus en plus il pensait à elle,
depuis le jour où il avait eu le bon sens de rompre avec la maison de thé
Yomogi.
    Le soir de son départ, il avait
découvert que le Miyamoto Musashi qui était en train d’acquérir une réputation
d’homme d’épée dans la capitale était son vieil ami Takezō. A ce choc violent
succédèrent presque aussitôt de puissantes vagues de jalousie.
    En songeant à Otsū, il avait
cessé de boire, tenté de vaincre sa paresse et ses mauvaises habitudes. Mais d’abord,
il ne put trouver de travail à sa convenance. Il se maudit d’être demeuré cinq
ans en dehors des réalités, aux crochets d’une femme plus âgée. Il lui sembla
quelque temps qu’il était trop tard pour changer.
    « Non, pas trop tard, se
disait-il. Je n’ai que vingt-deux ans. Je peux faire tout ce que je veux, à
condition de le vouloir ! » N’importe qui pourrait éprouver pareil
sentiment ; mais dans le cas de Matahachi cela revenait à fermer les yeux,
à sauter par-dessus un abîme de cinq années, et à se louer comme journalier à
Fushimi.
    Là, il avait travaillé comme un
esclave, jour après jour, sous les coups du soleil, de l’été jusqu’à l’automne.
Il était assez fier de son endurance.
    « Je leur montrerai, à tous !
se disait-il alors en dépit de ses nausées. Qu’est-ce qui m’empêche de me faire
un nom ? Je suis aussi capable que Takezō ! Je peux même faire
mieux que lui, et je le ferai. Alors, j’aurai ma revanche, malgré Okō. Dix
ans : je n’ai pas besoin de plus. »
    Dix ans ? Il s’arrêta pour
calculer l’âge qu’Otsū aurait alors. Trente et un ans !
Resterait-elle célibataire ? L’attendrait-elle durant tout ce temps ?
C’était peu vraisemblable. Matahachi ignorait tout ce qui s’était récemment
passé dans le Mimasaka ; il n’avait aucun moyen de savoir que son rêve
était illusoire, mais dix ans... jamais ! Cela ne devrait pas en dépasser
cinq ou six. Durant cette période il lui faudrait réussir, il n’y avait pas à
hésiter. Alors, il pourrait rentrer au village, demander pardon à Otsū, la
convaincre de l’épouser. « C’est la seule façon ! s’écria-t-il. Cinq
ans, six au plus. » Une lueur brilla de nouveau dans ses yeux qui
regardaient fixement la pastèque.
    A cet instant, l’un de ses
camarades de travail se leva de sous le bloc de pierre, devant lui ; s’accoudant
au large sommet de la pierre, il l’interpella :
    — Dis donc, Matahachi !
Qu’est-ce que tu marmonnes là, entre tes dents ? Mais tu es vert !
Pastèque pourrie ?
    Matahachi se força à répondre par
un pâle sourire ; mais il eut un nouvel étourdissement. Des flots de
salive lui emplirent la bouche. Il secoua la tête :
    — Ce n’est rien, rien du
tout, parvint-il à hoqueter. Un petit coup de soleil, je suppose. Laissez-moi
prendre du bon temps ici pendant une heure.
    Les solides transporteurs de
pierres se moquèrent de sa faiblesse, mais sans méchanceté. L’un d’eux lui
demanda :
    — Pourquoi t’es-tu acheté une
pastèque alors que tu es incapable de la manger ?
    — Je l’ai achetée pour vous,
les gars, répondit Matahachi. J’ai pensé que ça compenserait la part de travail
que je ne suis pas capable de faire.
    — Eh ben, voilà qui est chic.
Dites donc, les gars ! De la pastèque ! Tenez, c’est Matahachi qui
régale.
    Ayant fendu la pastèque à l’angle
d’une pierre, ils se jetèrent dessus comme des fourmis ; gourmands, ils
arrachaient les gros quartiers juteux de pulpe rouge. Tout avait disparu
quelques instants plus tard, lorsqu’un homme sauta sur un bloc pour crier :
    — Au travail, vous tous !
    Le samouraï en chef sortit d’une
cabane, fouet en main, et la puanteur de la sueur se répandit au-dessus du sol.
Bientôt s’éleva un chant de métier tandis qu’avec de gros leviers l’on hissait
un gigantesque bloc sur des rouleaux pour le tirer au moyen de cordes grosses
comme un bras d’homme. Le lourd bloc avançait comme une montagne mouvante.
    Avec la vogue des constructions de
châteaux, ces chants rythmés proliféraient. Il était rare que l’on en couchât
par écrit

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