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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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d’éclairage se consommaient en une seule nuit. D’abord peu
enthousiaste, Matahachi ne tarda pas à se sentir attiré par la gaieté ambiante.
    A proximité se trouvait un
prolongement du fossé du château, où l’eau de la marée affluait de la baie. En
regardant très attentivement, l’on pouvait distinguer des crabes qui rampaient
sous les fenêtres en saillie et les lanternes rouges. Matahachi regarda
attentivement, ce qui le troubla quelque peu car ils lui faisaient penser à des
scorpions venimeux.
    Le quartier était peuplé, dans une
large mesure, de femmes au visage recouvert d’une épaisse couche de poudre.
Parmi elles, on voyait de temps à autre un joli minois, mais beaucoup d’autres
semblaient avoir dépassé la quarantaine ; ces femmes arpentaient les rues
avec un regard triste, la tête emmitouflée contre le froid, les dents noircies,
mais tâchant faiblement de séduire les hommes réunis là.
    — C’est sûr, il y en a, dit
Matahachi en soupirant.
    — Je vous l’avais bien dit,
répondit Yasoma qui s’efforçait de réhabiliter les femmes. Et elles valent
mieux que n’importe quelle serveuse de maison de thé ou chanteuse dont vous pourriez
vous enticher. La notion d’amour vénal rebute beaucoup de gens ; mais si
vous passez une soirée d’hiver avec l’une d’elles et causez avec elle de sa
famille et ainsi de suite, vous constaterez sans doute qu’elle ressemble tout à
fait à n’importe quelle autre femme. Et qu’elle n’est pas vraiment à blâmer d’être
devenue une prostituée... Quelques-unes étaient autrefois concubines du Shōgun,
et le père de beaucoup faisait partie de la suite de daimyōs qui ont
depuis perdu le pouvoir. Il en allait de même, voilà plusieurs siècles, quand
les Tairas s’attaquaient aux Minamotos. Vous vous apercevrez, mon ami, que dans
les égouts de ce monde instable une bonne partie des ordures est formée de
fleurs déchues.
    Ils entrèrent dans une maison, et
Matahachi s’en remit entièrement à Yasoma qui paraissait fort expérimenté. Il
savait commander le saké, traiter avec les filles ; il était parfait. Matahachi
trouva l’aventure tout à fait réjouissante.
    Ils passèrent la nuit ; à
midi le lendemain, Yasoma ne manifestait encore aucun signe de lassitude. Dans
une certaine mesure, Matahachi se sentait vengé de toutes les fois où on l’avait
relégué dans une chambre à l’écart au Yomogi ; mais il commençait à se
fatiguer. Il finit par avouer qu’il en avait assez, et dit :
    — Je n’ai plus envie de
boire. Allons-nous-en.
    Yasoma ne bougeait pas.
    — Restez avec moi jusqu’à ce
soir, dit-il.
    — Pour quoi faire ?
    — J’ai rendez-vous avec
Susukida Kanesuke. Il est trop tôt pour aller chez lui maintenant, et de toute
façon je ne pourrai discuter de votre situation tant que je ne saurai pas plus
clairement ce que vous souhaitez.
    — Je suppose qu’au début, je
ne dois pas demander trop.
    — Il ne faut pas demander
trop peu. Un samouraï de votre envergure devrait pouvoir obtenir le chiffre qu’il
demande. Si vous dites que vous acceptez n’importe quel poste, vous vous
rabaissez. Et si je lui déclarais que vous voulez un traitement de deux mille
cinq cents boisseaux ? Un samouraï qui a confiance en lui est toujours
mieux payé, mieux traité. Il ne faut pas donner l’impression que vous vous
contenteriez de n’importe quoi.
    A l’approche du soir, les rues de
ce quartier, plongées qu’elles étaient dans l’ombre immense du château d’Osaka,
s’obscurcissaient de bonne heure. Ayant quitté la maison, Matahachi et Yasoma
traversèrent la ville jusqu’à l’un des plus élégants quartiers résidentiels de
samouraïs. Ils se tenaient là, dos au fossé ; le vent froid dissipait les
effets du saké qu’ils avaient ingurgité tout le jour.
    — ... Voilà la maison de
Susukida, là-bas, dit Yasoma.
    — Celle dont le portail a le
toit relevé ?
    — Non, la maison du coin, à
côté d’elle.
    — Hum... Vraiment grosse n’est-ce
pas ?
    — Kanesuke s’est fait un nom.
Jusqu’à la trentaine environ, personne n’avait jamais entendu parler de lui,
mais aujourd’hui...
    Matahachi feignait de ne prêter
aucune attention aux propos de Yasoma. Non qu’il n’y crût pas ; au
contraire, il en était venu à faire si totalement confiance à Yasoma qu’il ne
mettait plus en doute les paroles de cet homme. Mais il croyait devoir afficher
de l’indifférence.

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