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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’Italie, tout commande que le pape
absolve le roi de France.
    — Ha, mi fili ! dit Fogacer avec son lent
et sinueux sourire, et depuis quand la raison inspire les hommes et commande l’Histoire ?
    Fogacer départi, et la pluie ayant cessé, je jetai mon
manteau sur les épaules et j’allai faire quelques pas dans le jardin, lequel
comportait, en son centre, une longue allée bordée de cyprès et dallée de
marbre, tant est qu’on y pouvait déambuler sans se crotter. La prime fois que
j’avais vu cette allée, ce fut par soleil clair et ciel azuréen, et elle
m’avait enchanté par sa pompe et sa commodité. Mais en cette marmiteuse
après-midi que je dis, les cyprès me parurent fort sombres, les nuages fort
noirs et l’avenir peu riant pour mon roi et pour moi. Car je voyais maintenant
à cette malheureuse affaire tant de traverses que je ne doutais pas qu’elle
traînerait des mois avant de recevoir une solution, si tant est qu’elle en
recevrait une, ce dont on pouvait douter, Philippe étant si puissant à Rome,
les cardinaux si corrompus, et le pape si faible. Quant à moi, mon séjour à
Rome se prolongeant deviendrait ruineux et, qui pis est, une sorte d’exil, et
de la France, et de ma seigneurie, et de ma grande amour. Je tombai alors dans
un grand pensement de ma petite duchesse, lequel me fit très mal, mais
étrangement, me faisait aussi quelque bien, comme si, étant si proche des
larmes, je retrouvai dans mon émeuvement quelque trésor enfoui.
    La Surie me vint rejoindre, et de prime marcha à mon
côté, du même pas, mais sans dire mot, ayant deviné mon humeur, et la voulant
assouager par sa muette affection. Tant est que la sentant, maugré son silence,
si présente, et pourtant si délicate, je fis quelque effort pour saillir de mes
songes.
    — Mon Miroul, dis-je en le prenant par le bras,
crois-tu de présent que Fogacer soit fait prêtre ou non ?
    — Il me semble que oui, dit La Surie. Il ne
saurait tromper tous ces prêtres qu’il encontre, s’il ne l’était pas. Mais s’il
l’est, je m’étonne qu’il se soit jeté dans les bras d’une Église qui persécute
séculairement ses semblables.
    — Bien le rebours, dis-je, il doit se sentir davantage
à l’abri, réfugié dans le giron de sa persécutrice. Et quid de son discours et
de celui de l’abbé d’Ossat ? Peut-on imaginer cloches plus
dissemblables ?
    — J’opine, dit La Surie après avoir mâchellé
quelque peu ma question, que d’Ossat, c’est la vue du deçà et du dedans, et
Fogacer, celle du delà et du dehors. Adonc ma fiance est en d’Ossat.
    — Je voudrais, dis-je, que la mienne aussi soit en lui.
Ha ! comme j’aimerais envisager de près la face de ce pape dont tout
dépend !
    — Vous le pourrez, Moussu, et sous peu. Un petit clerc
du cardinal Giustiniani vient de se présenter à notre huis pour dire par parole
de bec à bec que Son Éminence nous attend demain à onze heures afin que de
nous présenter à Sua Santita [47] .
    — Dieu du Ciel ! Et qui est le cardinal
Giustiniani ?
    — Mais le maître de ces lieux, Moussu !
L’avez-vous jà oublié ?

 
CHAPITRE IX
    D’Ossat m’ayant donné à entendre que la prudence demandait
que je ne le vinsse pas voir trop souvent, et qu’il m’enverrait quérir par son
clerc, quand il y aurait un progrès nouveau, je fus bien aise d’encontrer le cardinal
Giustiniani, dont je ne pouvais douter qu’étant florentin, et un des agents à
Rome du grand duc de Toscane, il ne fût favorable à la cause de Henri et de la
France. Toutefois, quand je fus admis en son palais (qui n’avait rien à envier
pour la magnificence à celui qu’il m’avait loué), j’y allai de prime très à la
circonspection, une patte en avant et l’autre jà sur le recul. Mais
Giustiniani, qui, pour faire mentir l’idée qu’en France on se fait des
Italiens, montrait des yeux très azuréens, une face claire et quelques cheveux
gris-blond s’échappant de sa calotte de cardinal, tira tout dret sur l’épaule
et à la cible, me montrant d’entrée de jeu qu’il connaissait parfaitement ma
place sur l’échiquier, et de quel roi j’étais le pion. Je sortis donc de ma
réserve comme les voleurs du bois, et après les premières civilités –
lesquelles il fut bon assez pour abréger – je lui demandai si, en son
opinion, l’expulsion des jésuites n’avait pas gâté l’affaire de l’absolution.
    — Assurément, dit Giustiniani

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